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« The Sisters Brothers » de Jacques Audiard

vendredi 26 octobre 2018, par Sébastien Bourdon

Seasons of Blood

Lorsqu’on est artiste, il ne faut pas manquer d’estomac, et le francais Jacques Audiard l’a déjà prouvé, il n’en est pas dépourvu. Il a même beaucoup d’appétit. Aussi, alors que lui étaient offerts les - gros - moyens de réaliser un film américain d’envergure, il n’a pas reculé devant cette heureuse occasion, et a même choisi de s’attaquer à un genre local emblématique : le western.

Pourtant en choisissant de conter la chevauchée plus ou moins sauvage de ces deux frères assassins dans ce Far West du milieu du 19ème siècle, le réalisateur a finalement opté pour une relative modestie de ton comme d’effets.

S’il aborde de front les sujets qui lui tiennent à cœur, il retient ses coups, opte souvent pour la dérive ou l’ellipse. Audiard ne tranche donc pas, il montre ce qu’il faut au spectateur, mais le laisse libre de poursuivre la réflexion.

On est prévenu de ce choix esthétique et intellectuel dès le début, les frangins tueurs à gage viennent accomplir une mission dans une baraque isolée au cœur d’une nuit de nulle part. Tout le monde sera dûment envoyé ad patres dans les flashs lumineux des pistolets, mais on ne verra rien, juste un cheval enflammé courir dans la nuit, le massacre une fois achevé.

Qu’est-ce qui a amené deux frères (John C. Reilly et Joaquin Phoenix), aussi dissemblables, à s’unir dans l’abject, le meurtre sur commande rétribué ? Des temps sombres sans doute, et une histoire familiale probablement assez épouvantable qui ressurgit sous forme de cauchemars.

Pour mieux dessiner ses personnages, Audiard génère immédiatement en parallèle un autre tandem, formé d’un doux détective privé (Jake Gyllenhaal) et d’un scientifique plein d’utopies (Riz Ahmed). La quête sanglante les verra se retrouver, mais ce serait trop en dire que de le raconter, si ce n’est que c’est dans ce moment suspendu que se trouve le plus beau du film, quelque part entre le philosophe Henry David Thoreau et le cinéaste John Boorman.

Ode à une humanité absurde et nécessaire dans un monde sans refuge, le film trouve un ton et une allure très personnels, confirmant le talent d’Audiard, comme cinéaste (et directeur d’acteurs !), nullement trahi ou perverti par son passage de l’autre côté de l’Atlantique.

Sébastien Bourdon

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