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« The Shop around the Corner » d’Ernst Lubitsch (1940)
vendredi 27 décembre 2024, par
Love Letters
Alfred (James Stewart) exerce avec talent et depuis plusieurs années les fonctions de vendeur dans la boutique Matuschek, où ses compétences sont grandement appréciées et reconnues.
Un jour, par son entremise pas forcément convaincue, est embauchée au sein de ladite échoppe une jeune femme un peu perdue mais déterminée, Klara (Margaret Sullavan), avec laquelle Alfred ne va finalement pas s’entendre du tout.
Ce qu’ils ignorent, c’est qu’à la suite de la petite annonce de l’une, le second est devenu correspondant de l’autre, via boîte postale et sans identité révélée.
Leur amour se paye donc uniquement de mots et de mystère : le fol espoir se matérialise dans un inconnu, en ignorant qu’il est maintenant si proche.
Des amoureux en devenir qui, mal assortis, ne s’entendent d’abord pas, est un standard de la comédie américaine de l’entre-deux guerres, ce que l’on appelait, en anglais dans le texte, la « screwball comedy ».
Ernst Lubitsch rappelle ici combien il maîtrisait l’exercice, tant il n’y a rien à jeter dans ce film. Adaptant une pièce de Miklós László, le cinéaste se révèle parfaitement à l’aise dans la direction d’acteurs en espace confiné, ne comptant que sur l’interprétation, le texte et les mouvements de caméra, et n’appuyant jamais ses effets, en se passant même de musique.
Autre originalité de ce chef d’œuvre : quand la comédie de ce temps se penchait plutôt sur les contrariétés du cœur et de la raison chez les grands bourgeois, Lubitsch filme ici de petites gens, vendeurs et livreurs chargés, sous l’autorité bonhomme d’un gentil patron, d’œuvrer « au bonheur des dames ». Petit monde idéal que ce commerce, où chacun semble travailler pour le bien de tous, même secrètement.
Ce faisant, Lubitsch ne se place jamais au-dessus de ses personnages, et s’il n’oublie pas d’être caustique, ce n’est pas à leurs dépens, ce n’est jamais en se déparant d’une profonde humanité.
Sans trop en dire, on se doute bien que l’œuvre ne penchera pas vers le tragique et qu’au gré de diverses péripéties enlevées et hilarantes, le quiproquo épistolaire trouvera une issue heureuse.
C’est un bien élégant message que porte le film : ce que l’écriture dit de soi, ce qu’elle peut apporter à la relation aux autres, et combien elle peut parfois être plus profonde et sincère que l’apparence ou la parole.
Sébastien Bourdon