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The Man I Love

Alexandre Tharaud, festival international de piano de la Roque d’Anthéron, le 19 août 2015 - Mozart, Chopin, Ravel

lundi 31 août 2015, par Sébastien Bourdon

La semaine précédente, sans que cela ait le moindre lien avec le talent de la pianiste russe qui officiait (Anna Vinnitskaya), nous avions assisté à une véritable hécatombe de papillons de nuit. Si les pianistes semblent survivre aux spots de la notoriété (ou aux trompettes de la renommée), la réalité de l’éclairage scénique est plus cruelle aux insectes nocturnes. Ce soir, scenario un peu différent, de nombreuses chauve-souris court-circuitent ce mortel trajet de la lumière au trépas et volettent en tous sens pour attraper tout ce qui bouge (phénomène somme toute classique en été).

Pour notre part, ce seront des milliers de notes miraculeuses que nous goberons béatement.

Devant nous, des femmes ayant dû être jeunes il y a un moment (l’une plutôt « quincaillerie » quand l’autre est plutôt « chignon ») devisent, la première indiquant à la deuxième être venue avec une amie qui brûlait de découvrir « l’ambiance du festival ». Je ne sais ce que ladite amie en a finalement pensé, mais il est certain qu’elle n’est pas furieusement punk rock l’ambiance. Toutefois, en ces lieux flotte le charme de ces festivals classiques plus ou moins feutrés que l’été français offre maintenant de manière quasi pléthorique. Au surplus, « à la Roque », on ne plaisante pas vraiment avec le niveau des artistes, tous de première bourre.

Le pianiste du soir, Alexandre Tharaud, entre finalement en scène accompagné de sa tourneuse de pages. On note tout de suite la grande minceur du garçon, son élégance dans le mouvement, cette allure de jeune homme qui n’en est plus tout à fait un.

L’aisance sera définitivement ce qui caractérisera le récital, l’interprète n’étant que fougue et dextérité. Simplement, contrairement à nombre de pianistes contemporains, Alexandre Tharaud ne se livre pas un exercice vainement démonstratif de ses compétences, aussi palpitant qu’un cours d’aérobic. Tout chez lui tombe juste, dans la cavalcade comme dans la douceur, s’il impressionne c’est évidemment par sa technique, mais c’est aussi et surtout par son toucher, jamais pris en défaut, musicalement comme rythmiquement.

Le programme de la soirée était au surplus suffisamment varié pour nous permettre d’apprécier la palette infinie des compétences du pianiste. Nous sommes ainsi passés de Mozart à Chopin, en visitant longuement Ravel, pour nous quitter sur du Gerschwin (qui donne son titre à cette chronique).

Rarement concert classique ne m’a semblé filer aussi vite, on aurait voulu l’écouter toute la nuit. Je ne devais pas être seul avec ce sentiment, il a d’ailleurs obéi aux appels pressants du public en offrant pas moins de quatre rappels (Scarlatti, Chopin, Rameau, Gerschwin).

La seule faute de goût de la soirée revient aux quelques abominables gougnafiers qui ne peuvent s’empêcher de quitter les lieux avant la fin des rappels. Mais enfin, que peut-il y avoir de plus urgent que d’écouter encore quelques notes ?

Enthousiastes comme des enfants, d’ailleurs on avait emmené les nôtres qui ne l’étaient pas moins, nous avons pris la file joyeusement bordélique pour féliciter de vive voix l’artiste et recueillir quelques dédicaces. Le visage blanc et souriant du pianiste trahissait l’énergie mise dans le piano, cette force qui nous a irrigués et nous a fait rejoindre la nuit provençale comme emplis de beauté.

Comme le disait ma grand-mère, « le piano c’est tout ». Ceci dit, comme elle ne l’a point écrit, peut-être a-t-elle voulu dire, « le piano sait tout ». Qu’importe, les deux assertions sont largement recevables.

Sébastien

Messages

  • Décidément, j’aime beaucoup te lire Sébastien.
    Les images, la structure, le rythme.... quel artiste !!!

  • Superbe commentaire ! Entre les femmes "quincaillerie" et "chignon" (après tout chacun son style !) j’aime surtout votre petit mot sur les gougnafiers qui partent avant la fin des bis. Pourquoi sont-ils donc si pressés ? Il en est de même lorsque j’entends -via la télé - les auditeurs qui bougent, toussent, se mouchent !!! Cela me hérisse. Je sais bien que c’est un peu du mimétisme, mais de grâce, retenez-vous ! J’aimerais tant être à votre place. Dans ma province (j’ajouterai dans un hameau) ce bonheur m’est rarement offert. Hier j’ai acheté un CD d’Alexandre Tharaud, un quatre mains avec Zhu-Xiao-Mei datant de 2003. Au programme Schubert, lequel est à mon avis pas assez souvent interprété. Encore un moment qui me remplit de joie.

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