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« Sonate d’Automne » d’Ingmar Bergman (1978)

lundi 27 septembre 2021, par Sébastien Bourdon

Le Clavier Bien Tempéré

Évidemment, si l’on a des préjugés sur le maître suédois, la « Sonate d’Automne » dont il va être ici question ne facilite pas la tâche de l’admirateur, tant le scénario peut sembler pesant jusqu’à la caricature.

Une illustre pianiste internationale (Ingrid Bergman), rend visite à sa fille qu’elle n’a pas vu depuis sept ans (Liv Ulmann). Cette dernière vit isolée dans un presbytère, avec son pasteur de mari. Pour faire bonne mesure, réside également en ces lieux une sœur handicapée, et la maison est de surcroît comme hantée par la disparition prématurée de l’unique enfant du couple.

L’arrivée de la pianiste maternelle ne va pas rendre l’atmosphère plus riante et donnera même lieu à un affrontement de rancœurs recuites entre la mère et la fille, à l’initiative de cette dernière.

Il en est pour dire d’Ingmar Bergman qu’il serait austère et ennuyeux, on s’accordera ici le droit d’affirmer que c’est le plus souvent parce qu’ils ne le connaissent pas.

Car il y a une indiscutable forme d’exaltation dans le visionnage de ses films, et même une intensité à la hauteur de ce que peuvent offrir le giallo ou le thriller. Si elle est peut-être un peu plus cérébrale, elle n’en est pas moins visuelle et cinématographique, car dans ses meilleurs moments Bergman faisait coïncider à son plus haut niveau inventivité esthétique, écriture et direction d’acteurs.

Surtout, il faisait plonger le spectateur dans des abîmes de cruauté que peu de réalisateurs osent approcher.

En l’espèce, on a rarement aussi bien mis en scène l’incommunicabilité entre les êtres, et ce d’autant que ceux-ci sont par essence supposés unis par un lien indéfectible : une mère et sa fille. Pourtant, le film se réduit progressivement à un affrontement inévitable aussi violent qu’absurde : en effet, à quoi bon tomber si tard et si durement sur une mère aussi égocentrique ? La fille l’est-elle moins dans ce déballage qu’elle impose ? Et finalement, cette fille crispante et vaguement nunuche ne devient-elle pas rapidement plus insupportable que sa génitrice présentée comme autocentrée ? Cette dernière eut en effet au moins quelque chose à apporter au monde - et ce n’est pas du tout négligeable - son talent d’interprète.

Et quand la logique de l’histoire voudrait que l’on plaignit celle qui fut une enfant malheureuse, on se prend plutôt d’empathie pour la diva. C’est d’autant plus cohérent qu’Ingrid Bergman, dont ce fut le dernier rôle avant que la maladie ne la fasse renoncer au 7ème Art, est impériale dans cette ultime apparition a l’écran.

On sait que les deux Bergman ne s’entendirent guère sur le tournage, que ce soit sur la méthode comme sur le scénario, mais ces antagonismes ont produit là des brasiers créatifs.

Il est vrai que pour Ingrid, nombreuses semblent les références à sa propre vie dans le film. Mais finalement, Ingmar ne parle-t’il pas plutôt ici de lui-même, artiste obsessionnel et plutôt avare d’attention à ses proches, femmes comme enfants ? Nul procès donc fait à la femme : tous coupables, à commencer par celui qui écrit et filme l’histoire. Et quel film, et quelle histoire.

Sébastien Bourdon

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