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« Comancheria » (« Hell or High Water ») de David Mc Kenzie

lundi 3 octobre 2016, par Sébastien Bourdon

Seigneur des Plaines

Il faudra un jour que l’on nous dise où se trouve le comité de traduction des titres de film et que l’on obtienne un jour des explications sur leur méthode de travail. En l’occurrence, le film dont il est ici objet s’appelle, en français dans le texte, « Contre Vents et Marées », et le voilà rebaptisé pour sa sortie hexagonale « Comancheria », soit le nom d’une région autrefois occupée par les Comanches.

Un tel titre n’est évidemment pas totalement dépourvu de lien avec le scenario, mais force est de constater que l’appellation d’origine était bien mieux contrôlée.

Deux frères (Chris Pine et Ben Foster), seuls comme le sont les indomptés, décident de braquer les petits établissements d’une banque qui a ruiné feu leur mère, afin de réunir les fonds nécessaires à la levée de l’hypothèque de leurs terres. Robins des bois individualistes, ils ne se battent contre le système que pour mettre fin à leur propre misère, celle qui frappe leur famille depuis des générations, si ce n’est depuis toujours.

Ils sont poursuivis dans leur quête criminelle par Marcus Hamilton (Jeff Bridges), vieux ranger désabusé qui craint fortement de s’ennuyer lourdement une fois la retraite, proche, arrivée. Sa lucidité et son instinct l’amèneront évidemment à comprendre de quoi il retourne et à tenter de mettre fin à ce désordre avant qu’il ne devienne sanglant. Car, comme le disait Goethe, « Mieux vaut une injustice qu’un désordre ».

Il n’est pas bien reluisant ce Texas du XXIème siècle, infini territoire où se succèdent, au milieu de l’immensité, de tristes petites bourgades où rares sont ceux qui parviennent à joindre les deux bouts. Un feu sur la prairie et des cowboys, pour y échapper, font traverser la rivière à leurs bêtes rachitiques, bien conscients que nul ne se préoccupera de mettre fin au désastre en cours, comme à ceux à venir. Dans la prairie, personne ne vous entendra crier.

Ce n’est donc pas sans raisons que poussent ici les raisins de la colère, même si, à l’exception notable de nos protagonistes, c’est surtout l’abattement qui règne en cette contrée. Seule la possibilité de sortir une arme à feu semble un peu sortir de l’apathie ces tristes texans. Abattre ou être abattu, telle serait donc la loi de l’Ouest contemporain (ce qui laisse peu d’espoir quant à une évolution de la législation sur les armes).

Le contexte social et économique est dur et personne ne se voile la face, tous les personnages étant conscients de la brutalité intrinsèque du monde dans lequel ils évoluent. Ce phénomène de compréhension et d’empathie immédiates est évidemment amplifié par la facture classique et presque codifiée de ce film, à mi-chemin entre le western et le polar. Les personnages échappent toutefois brillamment à la caricature, grâce notamment à leur naturel à l’écran et à la fluidité de la caméra.

Les barbelés sur la prairie, première limitation tangible apportée à cet espace immense et libre, ont vu le bétail qu’ils enserraient balayé par les derricks, dont la toute puissance originelle a été ensuite comme définitivement assise par le système bancaire, désigné maintenant comme l’ennemi des obscurs et des sans grades. Comme le disait Bertolt Brecht, « qu’est-ce qui est le plus moral, créer une banque ou l’attaquer ?  »

L’Ouest sauvage n’en finit donc pas de mourir et la splendeur de son éternelle agonie semble à même de nous fournir encore quelques kilomètres de pellicule de qualité.

Sébastien Bourdon

Messages

  • Un des deux frères est quand même un débile qui n’hésite pas à tirer sur tout ce qui bouge y compris au fusil mitrailleur.
    Il y a beaucoup d’invraisemblances, quelques scènes originales et le Texas triste de No country for old men.

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