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« Rendez-vous avec Pol Pot » de Rithy Panh

dimanche 23 juin 2024, par Sébastien Bourdon

Tintin au Pays des Khmers Rouges

Inspiré très librement du livre d’une journaliste américaine - Élisabeth Becker - qui avait rencontré Pol Pot en 1978, le film raconte comment trois français vont se rendre dans ce pays fermé pour y tenter d’y rencontrer le dictateur.

Cette quête des personnages pour retrouver un homme devenu monstre peut évoquer Joseph Conrad (« Au Cœur des Ténèbres » - 1899 - , adapté notamment par Coppola - « Apocalypse Now » - 1979) : un cheminement progressif vers la révélation, jusqu’à pénétrer l’antre de la folie.

L’un est ancien camarade de Sorbonne du dictateur (Grégoire Colin), aveuglé par ses convictions humanistes, l’autre est une journaliste engagée (Irène Jacob) et le troisième un reporter de guerre intrépide (Cyril Gueï).

Pas forcément très assortis, les voilà partis en liberté très surveillée pour une visite guidée du « Kampuchéa démocratique » qui ne masquera pas longtemps les horreurs réelles qui s’y déroulent. Sous les discours idéologiques et les mises en scène de circonstance, se dissimule bien mal la violence et la faim.

Rithy Panh sait de quoi il cause, il a survécu à ce désastre, et s’acharne à le documenter à l’écran depuis près de quarante ans.

Comment montrer l’abomination sans flirter avec une pornographie de l’horreur, ou à l’inverse édulcorer, ce qui ne serait pas moins insupportable ?

Ici, le réalisateur s’essaye à différentes techniques pour retracer ce terrible périple. Le cinéma dans ce qu’il a de traditionnel, évidemment, des lieux et des acteurs, avec une photographie absolument superbe (dans un format resserré, accentuant l’impression d’emprisonnement malgré les grands espaces).

Plus original, l’emploi de statuettes installées dans des décors miniatures, pour un rendu d’une très grande beauté, et qui permet une confrontation pudique avec l’action, sans évitement de surcroît.

Plus radical, mais utilisé avec parcimonie, le recours aux images d’archives, in situ, donnant à voir ce que les personnages de fiction auraient pu découvrir dans le réel.

Aucun de ces procédés mélangés ne dessert le propos et permet de restituer avec beaucoup de finesse une réalité insoutenable.

Le film documente le passé, certes, mais les discours pré mâchés des dignitaires khmers rouges font un triste écho à tous les délires idéologiques ou religieux, mortifères hier, comme aujourd’hui et demain. Éradiquer l’homme qui ne rentre pas dans le rang, qui ne marche pas en cadence, projet délirant qui ne cesse de se répéter, ici ou ailleurs.

Sébastien Bourdon

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