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« Red Rocket » de Sean Baker

mercredi 9 février 2022, par Sébastien Bourdon

Little Red Rooster

C’est un homme démuni, fatigué et couvert de bleus qui descend d’un de ces bus qui traverse le territoire américain. Le dernier arrêt est un bourg du Texas dont Mikey (Simon Rex) est originaire où il va tenter de se refaire. Il ne semble avoir pour seule possession que son jeans et son débardeur sale, mais il a pour lui une belle gueule et un sacré bagout. Il se pointe chez sa femme, qui commence par le rejeter avec vivacité et conviction, comme on le ferait de quelqu’un qui vous a déjà roulé dans la farine plusieurs fois.

Mais Mikey est un embobineur de première, et une fois de plus, il emporte le morceau. Belle-mère et épouse de longue date délaissée l’accueillent, d’abord méfiantes puis à nouveau conquises, et le laissent prendre ses aises.

Si ce retour à la case départ s’impose techniquement à Mikey pour se refaire au sein de ce foyer, il ne se refait lui pas, personnage roué et manipulateur, il abusera encore de ces bonnes âmes paumées, comme d’autres qu’il croisera sur son chemin.

Mikey est une star déchue de la Porn Valley, on ne saura jamais vraiment ce qui l’en a exclu si violemment, mais on comprend très vite que cela trouve probablement sa source dans une petite combine de trop, celle qui immanquablement le fait chuter. Toujours est-il qu’il n’a pas l’intention de moisir à nouveau à Texas City et escompte bien retourner au plus vite à Los Angeles.

S’il est difficile d’échapper à son charme indéniable, ce personnage fondamentalement médiocre et opportuniste ne crée au final aucune empathie. On finirait même par être gêné de l’avoir d’abord trouvé attachant.

Mais là n’est pas totalement le sujet, une fois de plus Sean Baker s’attache à décrire une Amérique à la dérive, sans territoire vierge à encore explorer et où végète une population qui n’aura jamais droit à une seconde chance (si tant est qu’elle en ait eue une quelconque).

L’esthétique formelle du réalisateur ne trahit jamais le propos : les teintes sépias, les maisons aux couleurs vives, ne dissimulent pas le message, mais permettent un évitement du misérabilisme et du voyeurisme (quand bien même pas grand chose ne nous est épargné).

Victime d’un système qui persiste à lui mentir (Trump en fond de scène), ce lumpenproletariat se retrouve ici promené par l’un des siens qui, contre toute évidence, ne réalise pas qu’il est un homme fini dans un monde fermé.

Sébastien Bourdon

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