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Quadrilogie Mike Patton - Episode 2

Le creux de la vague et le dépassement de la barre

vendredi 23 avril 2004, par Thomas Bourgenot

Résumé de l’épisode précédent : Mike Patton, après être né, a fondé le groupe Mr Bungle. Sans avoir connu encore trop de succès avec son groupe de potes de lycées, Mike est embauché dans un groupe pas très connu au moment où il rentre dedans : Faith No More.
A la fin de l’épisode on apprenait que le guitariste historique du groupe (Big Jim Martin) en a marre et part. Nous sommes en 1992.

On ne peut en être sûr, l’histoire ne nous le dit pas, mais, c’est bien probable, le départ de Big Jim Martin remet en cause l’existence de Faith No More. En effet, si Angel Dust s’est fait pratiquement sans lui, trouver un guitariste qui corresponde à un groupe et à son identité, surtout quand elle est forte, n’est jamais chose aisée. C’est peut être pour cela que FNM restera muet pendant trois ans. Trois longues années qui ne seront néanmoins pas vides de projets pour Mike Patton. Pas vides, peut-être, mais on sent comme un besoin de « meubler » un trou, une période creuse.

En effet, à part son apparition dans le 4 titres de John Zorn Elegy, rien de très sérieux ne sort de ces années 1992-1995. Ce 4 titres est la première coopération musicale des deux fous (chacun dans leur genre). On savait que Zorn avait produit le premier « vrai » album de Mr. Bungle, on découvre ici que Patton et Zorn jouent ensemble, et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle pour les tristes qui pensent en 1992 que FNM est peut être mort.

C’est à partir de 1993 que les productions de Patton sont dans le creux de la vague. On le soupçonne d’apparaître dans le disque Otis du groupe Violent Onsen Geisha (mais personne ne peut le confirmer...). On le découvre (et là, c’est confirmé, pas de problème) aux côtés de Boo-Yaa Tribe sur l’excellente BO du film Judgement Night, pour un titre au nom poétique, voire, on pourrait dire romantique, Another body murdered, où les rôles sont répartis comme suit : musique : Faith No More, peura : Boo-Yaa Tribe, cris en chœur et bruits avec la bouche : Mike Patton. Ce dernier aurait ensuite participé à un ou deux disques du groupe pour le moins inconnu Milk Cult. Il paraîtrait qu’il s’agit là de performances. On fait confiance à Michael Allan pour ça. On le trouve enfin, en 1994 dans un disque de Bob Ostertag Fear No Love, aux côtés de Trevor Dunn à la basse, et notamment aussi, d’un des membres de la chorale de Bobbie McFerrin (« Don’t worry Be happy », ça vous dit quelque chose ?). C’est là que s’arrête la vague flou de Mike Patton. On passe une vitesse supérieure...

King for a Day...

En effet, l’année 1995 est en quelque sorte l’année de la consécration (il fallait bien un terme aussi religieux pour les « sans foi »... ni loi ?). Une petite bombe sort cette année là, il s’agit de l’album King for a day...fool for a lifetime. Certains avaient pu craindre la fin de FNM, mais ces derniers ont su rebondir, et cet album est là pour infirmer ces craintes. FNM n’a pas dit son dernier mot (ou ses derniers maux, je sais pas...). Sur King for a day, on retrouve l’ami d’enfance de Mike : Trey Spruance (vous savez le guitariste de Mr... comment déjà ?), et ça, c’est vraiment une bonne nouvelle.
King for a day, ça commence par la pochette. Finies les gentilles flammes de The Real thing et le mignon petit cygne de Angel Dust. On est dans l’énervé. C’est rouge et noir et il y a un gros chien enragé, gueule ouverte prête à vous bouffer tout cru, tenu par un policier (non moins sympathique..). Ca donne le ton, on n’est pas là pour rigoler.
Vient ensuite la première écoute (et les milliers d’autres qui suivront, inéluctablement comme on dit dans la presse pour faire passer les réformes...), et là, définitivement, FNM n’est pas mort. En gros l’album commence par un énorme accord de guitare (accentué par une bonne pêche de cymbale, faut pas déconner), le batteur donne alors le tempo, et c’est parti mon kiki. King for a day enchaîne des morceaux super énervé (The gentle art of making ennemies, Cuckoo far caca, Ugly in the morning) où Mike ne s’empêche pas (et c’est peu de le dire) de nous montrer à quel point il sait monter la voix (on en plaindrait ses enfants, s’il en a...), avec des morceaux férocement calmes (Evidence dont on ne peut que recommander le clip hautement drolatique, Star AD, ou encore le très bossa nova Caralho Voador). Cet album, c’est donc encore et toujours un mélange de genre, on passe du tout au tout, ça monte, ça descend, à droite (pas trop quand même), à gauche, on refait toute la maison, du sous-sol au grenier, mais tout en gardant (et ça, c’est un peu énervant) une cohérence entre tous les morceaux. Ca c’était pour l’année 1995 de FNM, mais, on parlait de consécration tout à l’heure, il n’y en a pas que pour Faith No More cette année-là.

Mr. Bungle rivalise (mais ne « cannibalise » pas comme on dit en marketing) avec FNM dans la catégorie « meilleure production du groupe ». Deuxième opus de Bungle, Disco volante

Disco Volante

est une perle, voire, le sommet de la bungelisation. On parlait de cohérence pour King for a day, il faudra la chercher sur Disco Volante dans l’incohérence (c’est paradoxal vous me direz, c’est bungle je vous répondrai). A mon avis, c’est le disque le plus intéressant de Mr. Bungle qui sort cette année-là, mais aussi, le plus difficile. On s’en rend bien compte sur la troisième piste (Sleep (Part II) Carry stress in the jaw), où après avoir démontré qu’ils savaient commencer un morceau assez jazz (mais bon, faut pas non plus exagérer, ça reste du bungle), le saxophoniste part sur un chorus ultra free accentué par la suite par une ligne de guitare speed metal, qui donne un côté très décousu au morceau, tout en lui donnant une force et une créativité difficilement imitable. On trouve aussi des titres plus doux, du genre After school special, où on apprend que la mère de Mike est mieux que ta mère et que ton père aussi, et ça, c’est assez grand. On a aussi un titre très Tex Avery, à savoir Ma meesha Mow showz qui vaut le détour. Et l’album se finit par Merry Go Bye Bye, où après s’être évertué à faire de la pop beattlessienne (si si je vous jure) pendant deux couplets, deux refrains, Mr Bungle se lâche et part sur un riff limite death metal, super énervé, pour finir l’album en beauté.

On trouve aussi Mike Patton sur un disque cette même année, Weird little boy, où il serait aux voix et à la batterie. Encore une performance à ce que j’ai pu en lire, mais bon, après trois ans de creux, il fallait bien repartir, et je pense que King for a day et Disco volante suffisent, pour oublier les points de détails de l’histoire de Mike Patton.

C’est ensuite aux côtés de Sepultura que l’on retrouvera le grand Patton. Sepultura qui, en 1996 sort son fabuleux (mais fatal pour le groupe) Roots, a la bonne idée d’inviter notre chanteur préféré pour taper la chansonnette (façon de parler je vous rassure) avec les méchants brésiliens. En fait de chansonnette, ils enregistrent ensemble deux titres (Lookaway avec DJ Lethal et Jonathan Davis, chanteur de Korn pas encore « empty visé », et Mine qui ne sera que sur le single Attitude). Bon, éh bien, là, il n’y a pas grand chose à dire. Quand on met ensemble Sepultura a sa plus grande époque, Korn, dans une non moins grande époque et Mike Patton au mieux de sa forme, ça donne deux titres assez virulents, avec des grosses guitares, des grosses batteries, et puis des chanteurs qui surenchérissent. C’est bon comme ça, et si c’est bon comme ça il ne faut pas que ça change (comme dirait l’autre)...

Malheureusement, ça change. Korn découvre les joies de la télévision et sa capacité à marketiser tout ce qu’elle touche. Sepultura découvre les joies de la gestion par la femme du chanteur (Yoko Ono, ça dit quelque chose ?, et bien, c’est à peu près pareil) et se dissout un an plus tard. Et Mike Patton commence à partir en vrille, mais, ça, ce n’est pas pour nous déplaire...

Bon, ses deux albums solo sont quelque peu « performiques ». On aime Michael Allan, mais, il faut aussi être « objectif » (dans une certaine mesure on va pas refaire le débat...). Le premier Adult themes for voice, 34 themes = 54 minutes, c’est Mike tout seul dans ses diverses chambres d’hôtels pendant ses nombreuses tournées, avec un DAT, et quelques effets. Le reste, c’est des bruits avec la bouche, ça s’écoute pas tellement en fait, mais, c’est marrant.
Le deuxième album solo, c’est Pranzo Oltranzista. Mais, c’est pas tout à fait solo, puisqu’on retrouve M. Zorn lui-même et certains musiciens du Kronos Quartet. Là encore difficilement audible. Mais, bon, c’est aussi ça Mike Patton. Il nous en réserve d’autres, son stock d’étrangetés est loin d’être fini.

En attendant l’album de l’année 1997, on retrouve Mike sur deux galettes du label de John Zorn, l’une portant sur Burt Bacharach, et l’autre en hommage à Serge Gainsbourg, où l’on l’entend chanter en français (avec une reprise de "Ford Mustang"). Il faut, à ce point du récit, préciser que Patton est un grand fan de Gainsbourg, et qu’il possède sa discographie complète (on essaie à Sounds Mag’ de faire pareil avec Mike, mais, c’est vraiment super pas évident, tellement il va dans tous les sens...).

Par exemple, je parlerai bien de la collaboration de FNM avec le groupe The Sparks, sur l’album Plagiarism, mais, je l’ai pas, alors, on le dit, comme ça, mais, on en dira pas plus.

Et voilà que nous arrivons au dernier épisode de Faith No More. Depuis deux ans, tous les musiciens (à commencer par notre préféré) sont un peu dissipés. Chacun a son ou ses petits projets de côté, et la composition de Album of the year se fait de manière assez séparée. Faith No More a toujours du mal avec les guitaristes. En effet, Trey Spruance qui a collaboré pour le précédent était parti avant de démarrer la tournée mondiale qui a été assurée par Dean Menta, un ancien membre de l’équipe en tournée. Malheureusement, ce dernier n’est pas un grand compositeur, et ils décident de le remplacer par un pote de Billy Gould, John Hudson.

Pour beaucoup de fans, cet album sent la fin et la fatigue. Pour ma part, même si je reconnais que ces fans n’ont pas tout à fait tort, je persiste à trouver cet album d’un haut niveau, très intéressant, et possiblement l’album de l’année 1997, puisque je continue à l’écouter aujourd’hui, alors, que la plupart des autres albums de cette année prennent la poussière. On trouve encore et toujours des influences musicales dans tous les sens. On saute allègrement de titres assez speed (genre Naked in front of the computer ou Got that feeling) à des titres plus calmes (Paths of Glory ou le dérangeant Pristina), en passant par des morceaux éminemment bunglien du type Mouth to mouth. Tout cela est très bon, et Mike nous démontre encore et toujours qu’il est un grand (très grand) chanteur. Sa technique vocale est très loin du premier The Real thing, un peu nasillarde à l’époque. Il « croone » aussi bien qu’il beugle ou qu’il bungle, et c’est toujours étonnant.

Malheureusement, les rumeurs de début 1998 se confirment le 19 avril de cette année : Faith No More se sépare. Dans son courrier qui annonce cette nouvelle, Billy Gould nous explique qu’officiellement, « Puffy a tout commencé », manière d’écarter une responsabilité quelconque sur un membre particulier du groupe. C’est ainsi que s’achève l’histoire de Faith No More. Mais, peut être fallait-il cela pour débrider (si ce n’était déjà fait...) le personnage qui nous intéresse ici.

Epoque romantique... C’est t’y pas beau ?

En effet, si l’année 1998 est assez sobre (deux ou trois apparitions par-ci par-là...), Mike Patton nous prépare une année 1999 assez chargée. Celle-ci commence par la fastidieuse mais nécessaire création de son label (à lui et à son pote de jeux vidéo Werckman), Ipecac qui sera la future plateforme du chanteur, qui laissera libre cours à son imagination débordante, et qui lui donnera la possibilité de sortir des disques ô combien expérimentaux.

Mais n’anticipons pas le troisième et avant dernier épisode de cette quadrilogie. Et finissons donc ce second volet sur cette naissance.


P.S. : Vous remarquerez que, bien que l’Académie françoise n’ait toujours pas répondu positivement à notre demande, et que le terme bungeliser (et ses variantes du type bungelisation) ne soit toujours pas dans le dico, je m’en suis quand même servi.

Messages

  • Merci Tom pour ces perles... Patton mérite bien une trilogie... à quand le troisième volet ?

    Pour info, vous pouvez trouver vidéos et mp3 libre à cette adresse : http://balkanik.free.fr/extras/download.htm

    Et puis un puit de ressources pour ceux qui savent utiliser les ftp: ftp.bunglefever.com ... c’est mortel : videos et mp3 rares par la famille bungle sur Mike Patton et tout ce qu’il a fait.
    — -
    DAVID

    Voir en ligne : Balkanik

  • Alors que défile sur ma platine de bureau le dernier Fantômas (très utile pour se faire des amis sur le lieu de travail), je me permets d’apporter une modeste contribution à la prose de Thomas. En effet, je possède "Plagiarism" des Sparks sur lequel Faith No More interprète deux titres : "Something for the girl with everything" et "This town ain’t big enough for the both of us". Ce dernier titre fut d’ailleurs le deuxième interprété par le groupe (après "Macadam Cowboy") lors de ce qui sera leur dernière venue à Paris au Bataclan sur la tournée "Album of the Year". Il s’agit de morceaux typiques du groupe dont on a peine à croire qu’ils puissent avoir été écrits par quelqu’un d’autre. Des morceaux réjouissants qui donnent envie de sauter tous les sens. Du Faith No More en bref.

    Sébastien

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