Accueil > Francais > Cinéma > « Personne n’y Comprend Rien » de Yannick Kergoat
« Personne n’y Comprend Rien » de Yannick Kergoat
samedi 11 janvier 2025, par
N’oubliez pas « Le Guide »
« Personne n’y comprend rien », comme l’affirme avec véhémence Nicolas Sarkozy - dont le titre du film reprend malicieusement une des saillies - mais c’est quand même beaucoup plus clair quand on nous explique patiemment, ce qu’entreprend de faire le documentaire.
Plantant devant sa caméra notamment les journalistes Fabrice Arfi et Karl Laske (Mediapart), Yannick Kergoat remonte méticuleusement le fil du financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
Nous ne sommes pas chez Michael Moore, pas de starisation, aucun effet appuyé, une esthétique sobre, une musique discrète, quelques images et sons d’archive, mais surtout une parole précise et essentielle, qu’elle vienne des journalistes, comme d’intervenants intellectuellement solides (de François Molins à Julia Cagé).
Le déroulement essentiellement chronologique permet de parfaitement appréhender les faits, et on réalise à quel point ce qui s’y est ici tramé en termes de corruption est complètement vertigineux.
Ce que peut faire la soif de pouvoir, plus forte encore que la banale cupidité, au cœur de l’Etat est glaçant (et parfois drôle, tant cette galaxie de copains et coquins est souvent peuplée d’imbéciles dont les dénégations maladroites finissent par faire rire).
Partout et nulle part, Sarkozy aura tout essayé pour se défendre, de l’orchestration de campagnes de presse à l’exécution systématique de ses alliés (Guéant, Hortefeux, Mimi Marchand etc.), n’a rien empêché : il est depuis le lundi 6 janvier 2025 devant la justice, à elle maintenant de trancher.
La précision factuelle du film - des années d’enquête, d’articles, de reportages, synthétisés en moins de deux heures - rappelle combien nous sommes finalement bien ignorants, noyés dans le flot journalier continu et incontrôlable d’informations.
Le savoir prend du temps et l’appréhension d’une histoire aussi complexe ne peut se faire autrement que par l’étude.
C’est sur cette paresse citoyenne que surfent les accusés, balayant les preuves accablantes en usant de l’invective grossière : tombent ainsi, stratégiquement menées, des accusations publiques relevant du populisme et de la post vérité, affirmant que ces éléments lourdement à charge seraient soufflés par un vent mauvais venant d’officines engagées, qu’elles appartiennent au monde judiciaire ou à celui de l’information (stratégie que l’on a beaucoup vue chez Berlusconi).
Ces accusations faites aux juges et aux journalistes, font aujourd’hui écho à l’élimination annoncée par Meta des fact-checkers, devenus on ne sait par quel retournement des valeurs, des ennemis de la démocratie.
À la fin de la projection, on comprend parfaitement ce qui s’est passé, et plus encore ce qui se passe un peu partout, et ce n’est guère rassurant (quoique fondamental).
Sébastien Bourdon