Mort du Guitariste

Ça date de 2004. Je ne me souviens plus du modèle de la voiture, juste de cet angle de rue parisienne où j’étais garé : je n’arrêtais pas de monter le son, tout seul dans le véhicule, complètement sidéré par la puissance des guitares sur « Heart Alive », extrait de « Leviathan » (2004). Mastodon, vainqueur par KO auditif.

Ils étaient quatre : deux guitares - Bill Keliher et Brent Hinds, basse et batterie - Troy Sanders et Brann Dailor, chacun ou presque poussant la chansonnette.

Au gré de chaque album ces musiciens extraordinaires persistaient à inlassablement se renouveler, sans jamais faillir à la construction méthodique d’un mur du son compact, qu’il y pousse des roses ou des clous rouillés.

L’année 2025 avait, concernant Brent Hinds (et nous avec), mal commencé : on apprenait en effet qu’il quittait Mastodon, dans des conditions un peu troubles. Les propos peu amènes qu’il a tenus ensuite confirmaient la sensation d’un truc moche, sans savoir qui était le plus responsable de cette acrimonie grimpante.

Le trio restant a vite fait recruté un remplaçant, très capable semble-t-il, mais nous n’aurons hélas jamais droit à une reformation de la mouture originelle, et ce à cause d’un putain de SUV dans lequel est venue s’encastrer la moto de Brent Hinds, une triste nuit d’août en la bonne ville d’Atlanta (Georgia).

Il n’y avait rien de banal chez Brent Hinds : son allure de fauve tatoué jusque sur le front, ses faux airs du Dude dans « The Big Lebowski », sa voix de fer chauffé à blanc, son jeu à la six cordes, à la fois classique et complètement détonnant.

Sur sa page Instagram s’affichait un type attachant un peu blaireau, toujours à rigoler en buvant une bière dans une piscine en plastique, entre deux virées à moto avec des copains.

Ça l’a tué.

On avait notre billet pour aller l’écouter aux Étoiles au mois de novembre (métro Château d’Eau), il les a rejointes avant, nous laissant un goût d’inachevé.

Sébastien Bourdon