Accueil > Littérature > « Moby Dick » d‘Herman Melville - Mise en scène Benjamin Bouzy et Vincent (...)

« Moby Dick » d‘Herman Melville - Mise en scène Benjamin Bouzy et Vincent Marguet - Théâtre du Lucernaire

samedi 6 janvier 2024, par Sébastien Bourdon

Sombres Héros de la Mer

Le « Moby Dick » d’Herman Melville est un ouvrage aussi énorme que la bête dont il porte le nom. Livre paru au milieu du 19ème siècle, il est progressivement, et bien au-delà du trépas de son auteur, devenu une œuvre somme et une référence culturelle, exploitée ensuite sous diverses formes : du cinéma (John Huston) à la musique (Led Zeppelin pour un solo dantesque du défunt batteur Bonham, ou Mastodon qui y consacra un album concept en 2004 - « Léviathan »).

Pour l’anecdote, on relèvera qu’Albert Camus lui-même l’offrait à ses petites amies, comme œuvre qu’il fallait nécessairement avoir lue.

Adapter un truc aussi grandiloquent sur une petite scène du Lucernaire (celle du « Paradis » en l’occurrence), avec seulement quatre comédiens ne constitue pas un modeste défi. Il faut en effet s’imaginer un baleinier rempli de mâles sans peur (mais pas forcément sans reproches), partant à l’assaut de cétacés géants sur des océans furieux.

La troupe vous met dans l’ambiance en occupant la scène dès l’entrée des spectateurs, nous accueillant comme si nous étions nous aussi des recrues sur le Pequod, s’apprêtant à entamer une campagne de pêche de trois années.

Les quatre garçons abattent ensuite un boulot incroyable : cumulant les rôles, bougeant eux-mêmes les vagues bouts de décor, faits de bois et de cordes, parvenant avec une folle énergie, aidés de fumées et de modestes éclairages, à nous transporter au milieu de l’océan, dans le froid et la peur.

Mais il ne s’agit pas seulement de l’artifice des lieux, il nous faut, comme l’équipage, se retrouver entraînés à la psyché délirante du capitaine Achab. Là aussi, le jeu habité des acteurs, avec ce qu’il faut d’outrance théâtrale, nous amène irrésistiblement au fond des ténèbres de l’âme humaine.

Cette chasse à la baleine est comme le bois nécessaire au feu du capitalisme balbutiant : le cétacé géant fournit l’huile qui alimentera les moteurs et fournira l’éclairage, chassant l’obscurité des temps anciens.

Mais à quel prix, celui des hommes qui meurent à la tâche, et celui des animaux libres, magnifiques et terrifiants, que l’on sacrifie ainsi par milliers pour ce nouveau monde qui vient (et qui a même pour but ultime de se passer d’eux).

Quête cruelle aux hommes comme aux bêtes, tout cela finira mal, on le sait bien.

Sébastien Bourdon

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.