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« Memory » de Michel Franco

mardi 11 juin 2024, par Sébastien Bourdon

The Memory Remains

C’est l’histoire d’une fille qui rencontre un garçon (ces choses-là arrivent encore), mais le moins que l’on puisse dire à ce moment de leurs existences réciproques est qu’elles ne sont pas franchement au beau fixe (si tant est qu’elles l’aient été un jour).

Sylvia (Jessica Chastain) arrête tout juste les réunions des Alcooliques Anonymes après treize ans d’abstinence et traîne sa déprime entre son job d’assistante aux adultes handicapés et l’éducation de sa fille adolescente. Elle vit seule dans un quartier qui n’est pas franchement glamour et à la regarder, on doute qu’elle espère même qu’un jour quelque chose se passe.

Abimée par une enfance traumatique, elle est en effet comme anesthésiée, ne retrouvant un peu de vivacité que dans la compagnie de son enfant - dans la complicité comme dans le conflit.

C’est la mémoire de son passé qui pèse sur ce personnage, premier à nous être introduit à l’écran, par une suite de séquences intelligemment ordonnées pour une compréhension presque immédiate des enjeux. Ce dont elle a précisément souffert, on l’apprendra progressivement, avec ce que le souvenir permet et parfois trahit.

Lors d’une soirée célébrant les déjà lointaines années de lycée, elle tombe sur un type - Saul (Peter Sarsgaard) - qu’elle semble reconnaître, mais qu’elle dédaigne immédiatement et fuit pour rentrer chez elle. Il la suit, puis reste en planque devant chez elle, dans le froid et la nuit.

Expérimentée, elle comprend que ce type n’est pas forcément très clair dans sa tête, ce qui s’avère assez juste, puisqu’il souffre d’accès de démence qui l’handicapent. Chez lui, la mémoire est plutôt fuyante, le souvenir immédiat a tendance à s’estomper, le laissant parfois perdu en lui-même.

Après quelques errements et tâtonnements, la rencontre entre ces deux êtres se fera, magie du cinéma.

La grande habileté du réalisateur Michel Franco est certes d’arriver à rendre crédible son histoire et ses personnages, mais surtout de parvenir à se déjouer des pièges potentiellement sirupeux du mélo : pour cela, il dispose de deux acteurs exceptionnels, qu’il fait traverser leur histoire avec une relative sécheresse de ton, qui n’empêche jamais ni l’intensité, ni l’émotion.

On en sort profondément touchés par des choses qu’on n’a pas forcément vues venir durant la projection, le film parvenant à nous attraper progressivement au fond de nous-mêmes avec une infinie subtilité.

Sébastien Bourdon

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