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« Marcello Mio » de Christophe Honoré

samedi 1er juin 2024, par Sébastien Bourdon

Vogliamo la verità no ?

Lassée d’avoir une identité toujours coincée entre son père et sa mère, Chiara Mastroianni prend la place du mort et décide, par le vêtement, de devenir Marcello. Elle va dans ce costume croiser le regard des siens au cours de diverses péripéties drôles, absurdes et nostalgiques.

Dans son ouvrage délicatement mélancolique récemment sorti sur Françoise Dorléac (« Framboise » - Actes Sud), Aurélien Ferenczi explique son obsession pour l’actrice peu ou prou en ces termes : né trop tard pour avoir franchement connu une époque bénie de boom économique sur fond d’effervescence culturelle, cela a généré chez lui une fascination pour une actrice qui l’a si bien incarnée. Sa mort tragique et prématurée a conclu trop vite un temps qui, s’éloignant, prend la forme d’un rêve d’autant plus triste qu’on ne l’a pas fait.

Christophe Honoré poursuit peut-être ici la même démarche, mais avec un homme, Marcello Mastroianni, avec tout ce que cet acteur a pu incarner par le cinéma dans nos existences : une légèreté mélancolique affichant mille visages dans autant de films.

Peut-être faute d’avoir pu le faire tourner, le réalisateur s’est historiquement souvent attaché aux siens, sa fille d’abord, Chiara, mais aussi sa femme, Catherine Deneuve (sœur de Françoise Dorléac, tout se tient).

Si le cinéma est un art qui rejoint l’aspiration humaine à l’immortalité, il y a une grande cohérence à s’en servir pour faire revivre un disparu : par la filiation et l’image, Honoré tente, via Chiara, de nous restituer Marcello Mastroianni, créature fantasmagorique devenue fantôme.

Il y a même un juste retour des choses : dans sa pièce « Le Ciel de Nantes », le réalisateur redonnait vie à sa propre famille, à ses défunts, sa tante étant incarnée par Chiara Mastroianni. Honoré rend à la comédienne la monnaie de sa pièce en lui faisant incarner son père, du moins une aspiration à retrouver ce dernier, jusqu’au trouble identitaire.

On a parfois blâmé ce film pour son entre soi, mais ce serait oublier que s’ils portent leurs noms dans la vraie vie, les acteurs ne sont ici pas tout à fait eux-mêmes, et donc pas vraiment entre eux.

Ici, comme ailleurs, on joue et on s’amuse souvent, et ce d’autant plus que le réalisateur ne se glisse guère au fond des choses, survolant les chagrins comme les angoisses métaphysiques.

C’est peut-être ce qui fait que ce n’est pas le grand film que l’on aurait aimé voir. Probablement trop épris de ses personnages, Honoré survole son sujet, à se demander s’il savait même ce qu’il voulait dire. L’œuvre s’encombre de personnages inutiles et aurait mérité d’être resserrée. Il faut alors se contenter - et ce n’est pas si mal - de la grâce continue d’une actrice et de son éloge de la fuite.

Sébastien Bourdon

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