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« Mado » de Claude Sautet (1976)

samedi 17 avril 2021, par Sébastien Bourdon

Un Mauvais Film

L’exercice frise l’inélégance, on classe Claude Sautet parmi les plus grands cinéastes et pourtant c’est de déception qu’il va être ici question.

On sait le charme et l’efficacité de la narration selon Sautet. Au plus près des âmes, sont toujours scrutés les sentiments, leur complexité et leur éternelle mouvance.

Filmer le quotidien et en extraire ce qu’il a de plus beau et plus sensible : au milieu du tumulte comme de l’ennui des jours, surnage toujours l’amour comme un sentiment qui naît, se perd, change ou se déporte, et qui emporte les êtres dans des tourments insolubles mais terriblement vivants.

De maisons de campagne en cafés enfumés, des troupes plus ou moins joyeuses se frottent et se confrontent, s’aiment et se trahissent. C’est le modeste, mais essentiel « tourbillon de la vie ».

Et pourtant, cette mécanique en principe impeccable, aussi efficace qu’élégante, est ici comme grippée. Tout ce qui fait le sel du cinéma de Sautet est pourtant là : les acteurs, presque des figure d’intrinsèques de son propos (Michel Piccoli, Romy Schneider notamment), les scènes de vie quotidienne (au bureau comme au restau, dans un épais nuage de cigarettes), les virées en voiture etc.

Pourtant, rien ne fonctionne, on dirait que c’est le pendant gelé de Sautet qui est derrière la caméra. Les affections sont aussi incompréhensibles que la carabistouille immobilière qui sert de trame au film.

L’aspect polar comme le drame sentimental ne parviennent jamais à un semblant de crédibilité ou d’authenticité. Piccoli est sensé être éperdument épris de Piccolo (ça ne s’invente pas), mais on ne perçoit jamais ce qu’il y aurait de fatal ou d’inévitable là-dedans. Et comme par un fait exprès, ne jaillissent des émotions réelles que lors des retrouvailles avec son ex-femme, jouée par... Romy Schneider.

Cette incapacité à agencer le film de manière cohérente est aggravée par un final qui s’étire indéfiniment. La troupe s’égare dans la pluie et dans la boue et on pourrait y voir une allégorie du cinéaste, empêtré dans un film dont il ne sait comment se sortir.

Anxieux et abominablement sévère à son endroit, on s’interroge sur la lecture a posteriori de Sautet de ce film. Toujours est-il qu’après avoir enchainé cinq films en six ans, il ne tournera plus rien pendant deux années. En revenant d’abord à ses fondamentaux avec « Une Histoire Simple » (1978), puis en bousculant ses habitudes (de classe sociale notamment) avec le prodigieux « Un Mauvais Fils » (1980).

Sébastien Bourdon

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