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« Les Fantômes » de Jonathan Millet

dimanche 14 juillet 2024, par Sébastien Bourdon

Le Corps de mon Ennemi

Sous le réfugié syrien taiseux, Hamid (Adam Bessa) cache aussi un chasseur de tortionnaires, avec d’autant plus de vindicte froide et déterminée qu’il a lui-même été la victime de celui qu’il traque.

Dans un Strasbourg sans granit porphyroïde ni géraniums, Hamid mène ses recherches, le plus souvent auprès de communautés syriennes implantées localement, mais également au sein de la faculté. Il acquiert là-bas la conviction que cet étudiant en chimie, bien sous tous rapports, est celui qu’il cherche (Tawfeek Barhom).

Tout le sel de ce film haletant tient dans ce qu’il n’a à proprement parler jamais vu son bourreau : en effet, Hamid, à l’instar des autres codétenus, avait toujours le visage sous un sac lors des séances de torture. Ne lui restent indéfectiblement en mémoire que l’odeur et le son de la voix de celui qui le tabassait jusqu’à épuisement.

D’une actualité très contemporaine, le film se refuse aux flashbacks et à une exposition obscène de la violence. L’état psychique du protagoniste et les stigmates sur son corps suffiront à comprendre ce par quoi il est passé.

Mû par sa féroce volonté et aidé de ses seuls souvenirs sensoriels, il va dans la capitale alsacienne œuvrer méthodiquement à sa quête, en tentant de ne jamais être débordé par l’affect. C’est une des nombreuses bonnes idées de ce film somme toute assez classique dans sa narration que cette recherche purement sensorielle. On constate au passage combien la foule des grandes villes se prête à l’approche physique d’autrui, sans que cela surprenne ou choque.

Le réalisateur se refuse ainsi à la violence exposée, préférant la tension en continu, mais conserve également une certaine distance émotionnelle, accentuée par une grande épure des formes : son héros est le plus souvent silencieux et glacé, à quelques courtes scènes près (un amour possible, une mère si loin si proche).

Tel Jeff Costello (Alain Delon) dans « Le Samouraï » (Jean-Pierre Melville - 1967), Hamid n’est qu’une démarche, un mouvement, tout entier tendu vers quelque chose à accomplir.

Sébastien Bourdon

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