Accueil > Francais > Cinéma > « Les Amandiers » de Valeria Bruni-Tedeschi

« Les Amandiers » de Valeria Bruni-Tedeschi

dimanche 20 novembre 2022, par Sébastien Bourdon

Jeunesse se Passe

Fin des années 80, Tchernobyl menace, les journalistes français sont toujours otages au Liban… pendant ce temps à Nanterre, on révolutionne le théâtre contemporain, sous l’égide conjuguée de Patrice Chereau et Pierre Romans.

Après les épreuves de sélection qui nous permettent de faire connaissance avec les apprentis comédiens échevelés, on fait un bout de chemin avec ceux qui passent la barrière, et intègrent cette école pas comme les autres.

Valeria Bruni-Tedeschi est prompte à faire de son existence matière à son cinéma, poursuivant sa vie avec une caméra (et un indéniable talent). Après nous avoir beaucoup parlé de sa famille de sang, elle se saisit de sa famille de cœur et des années formatrices de ses jeunes années, au sein d’une troupe de théâtre.

Comme elle le dit joliment dans un entretien récent aux Cahiers du Cinéma, une fois qu’elle le filme, cela se détache d’elle : « C’est de la fiction, à partir du moment où l’on met de l’ordre dans ce que l’on a filmé et dans le chaos de la vie  ».

Mais le pas de côté qu’elle a si souvent trouvé en filmant les siens (réels ou incarnés), semble ici comme annihilé. La réalisatrice ne trouve pas la distance et tout est terriblement premier degré. On pourra nous rétorquer que c’est ainsi que l’on raisonne lorsque l’on est jeune comme les personnages, mais justement, les jeunes c’est fatiguant. Alors s’agissant d’acteurs en devenir extrêmement agités et autocentrés, cela finit par former une galerie de portraits un peu usante.

Ainsi d’Etienne, l’amoureux de Stella (Nadia Tereszkiewicz, alter ego de Valeria Bruni-Tedeschi), sorte de Marlon Brando de Prisunic particulièrement exaspérant (Sofiane Bennacer) : on sait qu’il va mal finir avec sa toxicomanie, mais que cette issue fatale est longue à arriver…

Plus gênant, quand le cinéma est habituellement joyeusement foutraque chez la cinéaste, ici, si le délire émotionnel est à l’écran, les péripéties sont prévisibles et téléphonées comme dans un feuilleton sur FR3.

D’habitude, on pleure et on rit dans la salle, cette fois, l’intensité des sentiments ne traverse pas l’écran, comme si la cinéaste avait perdu la distance et l’humour, si souvent présents dans son œuvre pour faire passer l’inévitable égocentrisme.

On sauvera quand même les scènes de travail, de répétition, de labeur, qui font l’art et qui sont ici très belles (le décidément impeccable Louis Garrel, campant un Chéreau magnétique, autoritaire au comique involontaire) et quelques jolis moments de grâce, mais trop peu au regard de la durée du film.

Sébastien Bourdon

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.