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Leprous, Elysée-Montmartre, le 5 décembre 2021

mercredi 8 décembre 2021, par Sébastien Bourdon

From the Flame

Pour ceux qui connaissent le quartier de Montmartre, au-dessus de la station Anvers, en grimpant un peu, on débouche à gauche sur la place Charles Dullin où se trouve le très joli petit théâtre de l’Atelier. C’est exactement derrière cet établissement qu’a commencé notre premier concert depuis la fin du monde.

Pourquoi cette immense file d’attente ? Parce que Leprous est resté coincé sept heures en Angleterre du fait de complications administratives et douanières liées au… Covid (forcément). Pendant un moment, nous sommes donc restés agglutinés sous le crachin automnal, espérant que ça se tienne, qu’ils arrivent, s’installent et jouent, non sans nous avoir préalablement laissés entrer.

On est finalement arrivés dans la salle pile pour la première note du concert. Pas de temps mort, tout de suite l’obscurité, les lumières, la foule, une bière - quand même - et le rock n’roll.

La familiarité immédiate avec ces sensations frappe plus encore que la soudaine fin du manque (près de deux années sans concert !). Dans nos têtes, on n’était jamais sortis de là finalement.

Le groupe s’est jeté dans son set avec un appétit que les événements et empêchements du jour n’avaient pu qu’aiguiser. La possibilité permanente de l’annulation donne évidemment une belle urgence à la musique vivante.

Alors que le groupe a eu tout au plus une petite vingtaine de minutes pour déballer et installer, le son est cristallin, chaque instrument se dessine parfaitement (la dernière fois, au quintette s’était ajouté un violoncelliste, cette fois c’est un trompettiste).

Leprous joue une musique complexe, mais qui sonne parfois très évidente dans ses refrains chatoyants et solaires. La voix aussi riche que puissante du maitre d’œuvre Einar Solberg (principal compositeur du groupe) empêche leurs morceaux de s’installer dans une froide et technique complexité.

Ces norvégiens, aussi inspirés que brillants, maîtrisent effectivement leurs instruments sans jamais céder à une virtuosité démonstrative, propre au genre auquel ils sont supposés adhérer (le metal progressif). Peu ou pas de solos, mais des schémas rythmiques complexes sur lesquels se posent des instrumentations multicolores et intenses. De la musique baroque qui rejoint le jazz du catalogue ECM, devient dansante comme dans un club berlinois et mute enfin en une fulgurante saillie black metal (norvégien forcément).

Ainsi, nonobstant la versatilité des compositions, la musique est solidement jouée, sans qu’on ne cesse jamais d’avoir envie de chanter. Les chœurs omniprésents dans les titres se renforcent dès lors systématiquement de la participation vocale d’un public extatique.

L’enthousiasme a envahi la salle, et tous savourent la joie sonore d’être réunis. C’est le romantisme de la fin du monde, groupe comme public vibrent comme si ça pouvait s’arrêter demain. Et en cet hiver 2021, ce n’est même pas une vision de l’esprit.

A l’issue du concert, alors que l’on faisait - encore - la queue pour acheter des vinyles, leur divin batteur Baard Kolstadt a surgi. Immédiatement acclamé, il fut également salué par les spectateurs encore présents en entonnant a cappella la mélodie finale lancinante de leur titre « The Sky is Red  ». Il a semblé chercher quelque chose dans son téléphone, et nous a déclaré, en français dans le texte, avec l’accent norvégien : « merci pour la patience ».

On pourra me taxer de manquer d’objectivité, comme un type pas trop regardant dans un clandé après deux ans de bagne, mais quand même, il y avait tout ce qui fait le miracle de la musique live ce soir là. Et même un peu plus.

Sébastien Bourdon

« It’s a miracle, miracle, miracle
Now it’s liveable, liveable, liveable
 » (« Running Low »)

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