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« Leni Riefenstahl. La lumière et les ombres » d’Andres Veiel
dimanche 29 décembre 2024, par
Kunst über alles
Leni Riefenstahl était une femme exceptionnelle, artiste et inventrice de formes, elle révolutionna les techniques de représentation cinématographique du réel. Le problème est qu’elle a pour réaliser ses ambitions artistiques servi de véhicule rutilant à la propagande nazie. Proche d’Hitler, comme de Goebbels et Speer, elle a ainsi donné une représentation idéale du IIIème Reich par deux films restés dans les annales historiques et esthétiques : « Triomphe de la Volonté » (1935) et « Les Dieux du Stade » (1938).
Elle le fit tant et si bien, qu’après la guerre elle passa le restant de sa vie à se justifier tous azimuts d’avoir ainsi contribué à la propagande d’un état et d’un système criminels. Et longue fut cette existence, puisqu’elle quitta ce monde en 2003, à l’âge canonique, mais pas tellement vénérable, de 101 ans.
Leni Riefenstahl, miraculeusement épargnée de sérieuses poursuites judiciaires, intime des salauds, figure artistique et mondaine du nazisme, fit presque métier de ses interventions médiatiques où elle dissertait sur sa conviction de la supériorité de l’art sur tout le reste. À la limite, si cela ne peut s’entendre, cela peut se concevoir, le problème est que la vieille dame faisait l’impasse sur sa participation au système, affirmant sans vergogne ne pas avoir été informée.
Le documentaire, qui n’est pas le premier sur ce personnage, s’attache à tenter de saisir cette femme déroutante qui, à tant vouloir travestir sa réalité, a probablement fini par croire elle-même à ses fables.
C’est à cet aspect virant à la mythomanie obsessionnelle que s’attache le documentaire, donnant à découvrir un personnage proprement fascinant, à tous les âges de sa vie. Toute entière qu’elle était à se consacrer à la beauté (du moins à l’idée qu’elle s’en faisait), la politique n’était selon elle pas son sujet. Elle poursuivra d’ailleurs cette démarche obscène en photographiant les tribus africaines (ou la faune sous-marine).
Si on regarde tout cela médusé, le documentaire prend un parti pris narratif qui sabote un peu le contenu : décousu, il saute les époques et les thèmes, d’avant en arrière, sans approfondir, se révélant assez frustrant à la longue. On reconnaîtra toutefois au réalisateur le mérite de parier sur l’intelligence du spectateur : voilà les images, le son, à vous de voir.
On n’en demeure pas moins rivés à l’écran, tétanisés par l’exposition de ces mécanismes humains d’autodéfense phénoménaux : on n’a pas toujours envie de savoir ce qui se cache derrière notre quotidien, mais Leni Riefenstahl aura poussé très loin l’exercice.
Sébastien Bourdon