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Leader of Men

Faith No More "Sol Invictus"

mercredi 15 juillet 2015, par Sébastien Bourdon

« Sol Invictus » de Faith No More (2015)

Je suis capable de vous dire de quoi fut composé mon déjeuner le jour où est sorti l’album de Faith No More « Angel Dust » et où je me rendis, accompagné d’un fidèle camarade mélomane, chez Gibert pour l’acquérir. Ne faisons pas de mystère, c’était un sandwich grec, autant dire que j’étais jeune à l’époque puisque je pouvais digérer ce genre de truc. C’était le 8 juin 1992.

En réalité, l’histoire commence avant, avec une cassette audio. Pour les jeunes qui me lisent – on ne sait jamais – on y trouvait deux faces, la première ne suffisant pas à accueillir tout l’album « The Real Thing » (1989), ce débordement sur la face B était complété par, excusez du peu, « Garage days re-revisited » de Metallica. Il va de soi que cette cassette a été écoutée jusqu’à usure complète.

Vint ensuite en 1995, l’album que j’ai le plus écouté de toute mon existence (je doute qu’un phénomène d’une telle ampleur se reproduise à nouveau), « King for a Day, Fool for a Lifetime » (plus qu’un disque, une proposition de vie). Nous sommes maintenant en 2015 et je l’écoute toujours avec autant de plaisir.

Une dernière pirouette avec « Album of the Year » (1997) et puis s’en va pour un bon paquet d’années. Des lustres à vivre sans voir Faith No More, ne se nourrissant plus que d’un passé discographique qui s’enfuit, avec pour seul, mais pas forcément maigre, cadeau de compensation les multiples projets musicaux du plus grand chanteur du monde, Mike Patton (Lovage, Tomahawk, Fantomas, Mondo Cane et j’en passe et des meilleurs).

Et puis, sans que l’on s’y attende le moins du monde, voilà que cela frétille à nouveau en 2009, le groupe se reforme, donne des concerts et puis, surtout, annonce l’an passé sa volonté de persister dans cette voie en offrant même de nouveaux titres, avec ce truc qui relève de la prouesse contemporaine, un disque, un vrai, un truc à écouter en entier. Faith No More, pas plus que son public, ne veut sombrer dans l’ennui et la répétition et tient à prouver qu’il y a de l’avenir.

Le disque est donc sorti en mai dernier, l’auteur de ces lignes les a ensuite vus au Hellfest en juin, il est temps, la poussière étant maintenant un peu retombée, de dire quelques mots de ce « Sol Invictus ». On ne va pas vous faire une revue titre par titre, ce n’est pas trop le genre de la maison. En réalité, avant même de l’écouter, ce disque nous est apparu comme un signe : les temps sont durs, mais nous sommes de retour semblent nous signifier nos héros vieillissants et bienveillants.

Si l’on résume, hormis le fait qu’il soit un peu court, rien n’est ainsi à jeter dans ce « soleil invaincu » (titre magnifique) : raccourcie, épurée, sans esbroufe, leur musique reste synonyme d’intelligence, de beauté et d’humour. Avec ce qu’il faut d’évidence musicale et d’idées dérangeantes, le groupe s’impose sur la platine comme il a toujours su le faire : tout s’arrête, on sourit et on frissonne de plaisir.

Ce ne sont évidemment plus les chiens fous d’antan, ils portent des lunettes de vue, s’habillent de lin blanc et jouent sur une scène parsemée de fleurs. Lorsqu’on les écoute parler de leur musique, on se trouve à mille lieues du blabla médiatique incessant à base de « you know » et « it’s like », ces garçons savent ce qu’ils ont à dire et sont tout à fait à ce qu’ils font (et le font diablement bien). Loin de ces pathétiques reformations où des musiciens usés par les excès tentent de pénibles pas sur des scènes mondialisées afin de tenter de retrouver le lustre d’antan ( et de payer leurs impôts), Faith No More ne semble jamais être menacé par le pathétique qui menace tant cette musique qui n’est plus tellement « de jeunes ».

Ce groupe semble en réalité être revenu avec ce disque pour nous tapoter sur l’épaule et nous dire que ce n’est pas bien grave de vieillir, qu’on peut toujours aimer autant Napalm Death que Burt Bacharach. Bref, qu’on a le droit, si on en doutait, d’être ce que nous sommes, que cela reste parfaitement possible.

Et le plus beau dans ce discours sous-jacent est que ce temps qui passe et qui nous emporte ne nous prive pas de la grâce occasionnelle, que c’est un chemin qu’on va à nouveau parcourir ensemble en se réjouissant toujours de tous ces moments vécus, et de la musique, surtout de la musique, celle d’hier, d’aujourd’hui et de demain.

Mince, je n’ai presque pas parlé du disque. A vous de voir (et d’entendre surtout).

Sébastien

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