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« Le Règne Animal » de Thomas Cailley

samedi 14 octobre 2023, par Sébastien Bourdon

Le Loup-garou de Gascogne

La longue séquence d’ouverture du film essaye de nous faire tout comprendre d’un coup : un virus transforme ceux qu’il frappe progressivement en animaux, obligeant à une cohabitation malaisée avec ces effrayants hybrides, selon un schéma éculé du rejet de l’autre.

Un père (Romain Duris) et son ado de fils (Paul Kirchner) font face à cette exacte problématique puisque la mère, hospitalisée en attente de placement dans un centre spécialisé du Sud-Ouest, est atteinte de cette inexorable mutation animale. Évidemment, le transfert ne se passera pas très bien et nombre de ces créatures, fantasmes aboutis du Docteur Moreau (H.G. Wells), vont s’égayer dans la forêt landaise.

« Quelle époque » soupirent les personnages, pour qui ce phénomène de dérèglement viral attise des anxiétés qui ne sont pas sans rappeler celles de notre contemporain, entre Covid, réchauffement climatique et retour du loup et de l’ours dans nos alpages.

Avec son deuxième film, Thomas Cailley, en sus d’exposer des théories sur le tout que constituerait la vie terrestre, s’est mis au défi de produire français un film de genre plus souvent anglo-saxon, avec pour modèles Jacques Tourneur ou Joe Dante. L’influence des super-héros Marvel se fait aussi sentir, métaphore qu’ils sont de l’adolescence où la pousse des poils et organes s’accompagne de pulsions décuplées et mal contrôlées : ainsi de notre jeune héros qui promet de faire un Serval/Wolverine tout à fait crédible.

Il y a donc des moyens à l’image, par ailleurs assez belle, mais sans en faire trop, et on ne peut que saluer un film d’anticipation qui donne cette impression tangible d’être fait à la main (ainsi de ce merveilleux fou volant qui, malhabile et fragile, donne une impression continue de grâce intacte dans la souffrance).

Las, il y a beaucoup trop de trous dans la raquette du scénario pour suffisamment convaincre. On tient éventuellement un téléfilm solide, le concept de retour de l’animalité dans un monde bétonné fonctionne bien, mais la trame, et particulièrement les relations entre les personnages, souffrent de défauts d’écriture manifestes.

Faute de sentiments crédibles, il faut alors les surjouer. Qu’est-ce qui fait que ce père tient tant à retrouver son épouse devenue bête poilue potentiellement dangereuse ? On ne saisit pas vraiment les enjeux affectifs parce qu’on arrive en plein milieu de l’histoire, et ce ne sont pas les deux seules expressions de jeu de Romain Duris - très tendu/très souriant - qui vont aider.

Et c’est ainsi que l’invraisemblable fable écologique parvient à plus d’épaisseur que le mélodrame familial. Et on finit par se demander, à l’instar d’Adèle Exarchopoulos, ce qu’on fait là et pour quoi faire.

Sébastien Bourdon

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