« Le Caïman » de Nanni Moretti (2006)

Bruno Bonomo (Silvio Orlando), producteur de films de séries B virant plus sûrement au Z, voit sa vie partir un peu en cacahuètes, entre carrière qui patine et couple qui se défait.

Quand tout semble se déliter, avec une énergie que l’on qualifiera de très italienne - l’Italie étant probablement LE sujet du film - il décide de renoncer à un projet sur Christophe Colomb, au profit d’un scénario sur Berlusconi, rédigé par une jeune débutante (Jasmine Trinca).

Désespéré mais tenace, quand bien même il est absurde de compter sur un scénario qui embarrasse ou inquiète les financiers, comme Berlusconi, Bonomo fait le faraud, embrouille, ment et dissimule (mais est nettement plus attendrissant).

Avec cette histoire d’un film qui se fait, ou plutôt qui n’arrive pas à se faire, Moretti multiplie les angles comme les prises de vues, pour un hommage au cinéma sous toutes ses formes.

On est ainsi chez Ingmar Bergman ou Woody Allen quand il s’agit des affres du couple, pour passer chez Mario Bava ou Dario Argento avec les extraits des productions de Bonomo, en passant par la froideur des films engagés de Elio Petri lorsqu’est fantasmée la mise en scène du scénario sur le patron de Forza Italia (qui intervient également dans des séquences d’archives effrayantes de bêtise et de suffisance).

En effet, par sa construction habile, le film s’intéresse au plus petit, la déréliction du couple, comme au plus grand, la trajectoire politique d’un escroc symptomatique d’un pays, sans oublier de se pencher sur la difficulté de faire œuvre artistique, particulièrement dans cette contrée (« depuis quand n’a-t-on vu un film avec un hélicoptère en Italie ?! », coucou Fellini).

Grouper autant de thèmes dans une œuvre n’est pas du genre à effrayer Moretti, qui s’y frotte ici avec bonheur, même s’il n’échappe ponctuellement pas à quelques maladresses et à un peu de démagogie.

Sébastien Bourdon