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« La Vieille Fille » de Jean-Pierre Blanc (1971)

mardi 27 décembre 2022, par Sébastien Bourdon

Une Belle Fille comme Moi

Il y avait donc une antériorité au couple Annie Girardot-Philippe Noiret, dont le duo restera pour l’éternité dans l’histoire du cinéma grâce au merveilleux diptyque « Tendre Poulet » et « On a Volé la Cuisse de Jupiter » (Philippe de Broca - 1977 et 1980). Un cinéaste un peu oublié et mort trop tôt - Jean-Pierre Blanc - les avait en effet réunis en 1971 dans « La Vieille Fille », merveille tardive d’une Nouvelle Vague finissante.

Muriel Bouchon (Annie Girardot), la trentaine bien entamée, vient nourrir sa solitude, dont on ne sait si elle est forcée ou forcenée, au contact de la foule des vacanciers estivaux dans une station balnéaire du Sud. L’hôtel donne sur la plage, elle y prend tous ses repas, se baigne, bronze un peu, et semble surtout peiner à s’imprégner de l’atmosphère forcément sensuelle produite par les flots bleus et le soleil.

Sa tranquillité est quelque peu ébranlée par le surgissement d’un célibataire (Philippe Noiret), contraint à un séjour forcé sur sa route vers l’Espagne, son antédiluvienne Cadillac noire étant tombée en panne.

Gentiment entreprenant, Gabriel Marcassus ne se laisse en effet pas refroidir par l’air revêche de Muriel et doucement, délicatement, tente de briser la glace (avec cette chaleur, cela devrait être plus facile).

Le film est plus libre que son scénario ne le laisse imaginer, et ne se focalise pas seulement sur l’amourette naissante. La peinture des mœurs estivales d’une époque est fort bien restituée, c’est la fin des trente glorieuses et il existe encore des cadres moyens pour passer quatre semaines dans une petite pension à Cassis en habitant dans le 3ème arrondissement de Paris.

Cinquante ans après, les corps sont presque plus libres qu’aujourd’hui : maillots de bain portés en ville et mini jupes réduites à leur plus stricte expression (le personnage de Muriel se dessine en contre, plus couverte et usant de circonvolutions complexes pour passer son maillot avec la plus stricte pudeur).

Il y a presque du burlesque dans la description de cette société, entre Jacques Tati et le Petit Nicolas. Les filles qui bronzent jusqu’à se brûler, le personnel de l’hôtel qui s’embrasse violemment entre deux portes, le bruit des bouches à table, le pasteur philosophe à l’épouse candidate au martyr permanent (Michael Lonsdale et Edith Scob) etc. Les quelques fantasmagories ancillaires de Noiret sont en revanche un peu datées : si elles persistent évidemment dans la psyché masculine, cela se fait moins de les montrer à l’écran (difficile de ne pas relever quand même une Marthe Keller particulièrement croquignolette). Mais reste toujours prégnante à l’écran une infinie tendresse sous le regard vaguement narquois posé sur ses semblables.

Sans trop la révéler, on dira que la fin du film, tout en « peut-être » et délicatesse extrême, est une des plus belles de l’histoire du cinéma.

Sébastien Bourdon

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