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« La Vie Matérielle » de Marguerite Duras - Mise en scène William Mesguich - Le Lucernaire

samedi 29 juillet 2023, par Sébastien Bourdon

La Vieille Dame et la Mer

On ne va pas se prétendre ici spécialiste de Duras, l’écrivaine la plus exposée de mon jeune temps, mais qu’on n’a finalement jamais vraiment lue.

Copine des puissants (Mitterrand notamment), auteure d’une œuvre littéraire et théâtrale qui en imposait, provocatrice parfois (ses propos discutables sur l’homosexualité ou son article sur l’affaire « Gregory »), mais absconse également, au cinéma plus encore, ainsi du film « India Song », particulièrement indigeste (« Marguerite Duras n’a pas écrit que des conneries, elle en a filmé aussi » Pierre Desproges).

Mais on ne saurait ainsi balayer Duras, figure féminine et artistique entière, sans tabous, dont la folie comme la sagacité restent sans équivalents contemporains.

Alors à défaut d’en faire un auteur de chevet, impossible de ne pas s’y intéresser, sa pensée et son propos restant souvent vifs et vigoureux.

Après le cinéma (« Vous ne Désirez que Moi » de Claire Simon), c’est au théâtre qu’on peut la retrouver, et notamment dans cette adaptation magnifique par William Mesguich de son texte éminemment personnel « La Vie Matérielle ».

Seule en scène, l’actrice Catherine Artigala nous attend au fond de son fauteuil dont elle s’extraira sitôt la lumière éteinte, l’esprit alerte et la bouche pleine de mots. On croirait la retrouver Marguerite, petit être chétif mais exsudant une force peu commune, celle de son esprit.

Les sujets défilent, autobiographiques ou sociologiques (la place des femmes, la pauvreté, la sexualité, les colonies etc.), on saute du coq à l’âne, mais cet aspect décousu n’empêche pas d’aller au bout de chaque sujet, jamais nous ne perdons le fil.

Duras ne mâchait pas ses mots et savaient souvent les tourner. C’est une langue magnifique et épurée qu’il nous est donné d’entendre, ainsi ravivée. Le propos est parfois drôle, souvent cruel et pertinent car ainsi va l’existence.

Il peut arriver à chacun d’être plus travaillé par un désir amoureux sans fin à l’enterrement de sa mère que par le chagrin. La vie est comme un film mal monté, mal joué et sans logique narrative apparente. Même en buvant énormément, Marguerite ne s’est toutefois jamais abandonnée à l’ivresse, choisissant jusqu’au bout de vivre cette absurdité. Et pour y survivre, même au-delà de la mort, écrire, écrire encore.

Sébastien Bourdon

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