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« La Pièce Rapportée » d’Antonin Peretjatko

dimanche 12 décembre 2021, par Sébastien Bourdon

Eat the Rich

Le cinéma d’Antonin Peretjatko a jusqu’alors été très joyeusement foutraque. Ses scénarios ressemblent à des fuites salutaires dans un monde absurde, pour des virées pas moins délirantes (« La Fille du 14 Juillet » - 2013, « La Loi de la Jungle » - 2016). Du fait de décisions gouvernementales ou sociétales insensées (réduction des vacances, construction d’une piste de ski dans la jungle guyanaise) des personnages décalés prennent la route et en chemin s’adaptent avec une folie plus grande encore au monde dément qu’ils arpentent.

Ce délire est accentué à l’image par de multiples trouvailles et gags visuels, mais également par des petits trucages techniques, comme une légère accélération du défilement de l’image, jusqu’à donner une sensation - voulue - de légère ivresse.

Partant de là, la bande-annonce de ce nouveau film ne pouvait que surprendre par tant de classicisme apparent : on est dans le vaudeville pur jus - le mari, la femme, la belle-mère, le chauffeur et l’amant - et si elle était encore vivante on imaginerait surgir Jacqueline Maillan en lieu et place de Josiane Balasko (par ailleurs ici exceptionnelle).

Surtout, la photographie est léchée, presque lissée, c’est un Paris ensoleillé et coquet qui apparaît à l’écran, le réalisateur se serait-il soudainement embourgeoisé ?

L’inquiétude était d’autant plus forte que le genre même de la comédie de boulevard, s’il se joue de la famille bourgeoise, se range au final souvent aux convenances et se mêle rarement de politique. Qu’allait faire Peretjatko dans cette possible galère ?

Il ne va en réalité rien faire d’autre qu’un bon film, dans lequel ne sont enterrés ni sa folie, ni son inventivité, même si toutes deux mises en légère sourdine.

C’est ainsi que l’on cache une femme nue dans une contrebasse ou que l’acariâtre belle-mère hémiplégique devient un presque cyborg grâce à une technologie évidemment boiteuse.

Philippe Katerine - l’héritier fin de race Paul Château-Tetard - incarne parfaitement cette évolution : lui-même est toujours en décalage, cultivant la bizarrerie, il a néanmoins parfaitement réussi son intégration dans le mainstream, alternant films à succès et concerts à guichets fermés sans jamais se renier. Il est donc ici à son exacte place.

Quant au propos politique, il est sous-jacent, pour le meilleur et pour le rire, ne sont ainsi oubliés ni les gilets jaunes, ni le « ruissellement », ni la misère aux portes de Paris dans cette comédie au propos finalement assez cruel. En effet, si charmante et fraîche soit-elle, l’héroïne n’a en somme guère de scrupules à devenir une parvenue (Anaïs Demoustier).

Sébastien Bourdon

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