Accueil > Francais > Cinéma > « La Chimère » de Alice Rohrwacher

« La Chimère » de Alice Rohrwacher

dimanche 10 décembre 2023, par Sébastien Bourdon

La Légende d’Arthur

Il paraît que le cinéma traverse une période dangereusement cruciale, dévoré par les plateformes qui, quand elles n’empêchent pas les gens de sortir, vampirisent les caciques du 7ème Art.

Pourtant, il nous semble que l’inspiration comme la magie sont intactes, et que ne cessent de jaillir ça et là des cinéastes avec une vraie proposition de cinéma, justifiant qu’encore et toujours, inlassablement, on se rende en salles obscures.

Ainsi des français Quentin Dupieux ou Sophie Letourneur, du brésilien Kléber Mendonça Filho, de l’allemand Christian Petzold, ou de celle dont il va ici être objet, l’italienne Alice Rohrwacher.

Cette dernière est d’autant plus passionnante qu’elle est également germanique de père et que dans son dernier opus, on cause le patois du latium, mais aussi anglais, allemand, portugais ou français. Cette synthèse culturelle européenne est parfaitement incarnée à l’image par Isabella Rossellini, dont l’ascendance comme le caractère polyglotte inscrivent définitivement le film dans une certaine idée de l’occident heureux (« le monde d’hier » en somme).

Film après film, la réalisatrice creuse un sillon éminemment personnel, optant pour des schémas narratifs personnels et originaux.

Une fois de plus, le ton de la fable est donné : Arthur (Josh O’ Connor), jeune anglais égaré en Italie, rêve d’une femme disparue et assiste dans leurs méfaits une bande de pilleurs de tombes aux allures de pieds nickelés. Le garçon est peu causant, habité par une sourde mélancolie, mais a en effet un don particulier : à l’aide d’une baguette de sourcier (de sorcier ?), il repère les sépultures étrusques pour ses acolytes.

Nos profanateurs, des profondeurs à la surface, semblent relier la mort à la vie, en brouillant les frontières, comme Arthur, héros à peine moins fantomatique que l’amour perdu qui le hante.

La réalité semble à l’image toujours s’échapper. Comme toujours chez la réalisatrice, la part du rêve est omniprésente et ne se distingue guère des péripéties, ou plus exactement les habite.

Sans effet de style appuyé ou trop apparent, Alice Rohrwacher parvient à nous faire osciller, tel le protagoniste, toujours sur le point de tomber, épuisé, affaibli, amoureux, pour disparaître dans un trou oublié depuis des millénaires, et révélant soudainement des merveilles, au risque de les détruire.

Sébastien Bourdon

Messages

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.