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« La Chambre d’à côté » de Pedro Almodovar

lundi 20 janvier 2025, par Sébastien Bourdon

Une mort très douce

Ingrid (Julianne Moore) et Martha (Tilda Swinton) ont été longtemps très proches, l’une écrivain et l’autre reporter de guerre. Elles travaillaient dans le même journal et ont partagé à New York dans les années 80 une vie sociale et intellectuelle exaltantes.

Alors que Martha tente de se soigner d’un méchant cancer, Ingrid reprend attache avec elle et renoue le fil distendu de leur amitié.

Elles se racontent d’abord leurs vies, dans une série de flash-backs colorés comme les aime Almodovar (il tutoie ici carrément Douglas Sirk, que ce soit pour le ton mélodramatique ou le Technicolor).

Refusant l’inexorable dégringolade douloureuse de son corps, Martha demande ensuite à Ingrid de l’accompagner dans un dernier voyage, à la campagne loin de New York, pour un séjour au cours duquel elle décidera du moment de mourir.

Il faut tout le sens esthétique du réalisateur espagnol (ici exilé en Amérique, sur les terres de ses maîtres, de Tourneur à Hitchcock) pour échapper au sinistre mortifère de la situation.

Plus surprenant encore, la beauté des lieux comme des plans ne pollue pas le caractère profondément émouvant du propos.

Almodovar fait - un peu - de politique avec son sujet, peuplant son film de personnages qui ont vécu librement et qui entendent conserver jusqu’au dernier souffle la possibilité de décider de leur sort, quelques soient les forces politiques en présence.

Les menaces exercées sur la liberté dans un monde gangréné par le libéralisme et l’extrême-droite, sont donc glissées ça et là, subtilement et sans se défaire d’un second degré indispensable (John Turturro).

Mais c’est le duo d’actrices qui emporte le morceau, jouant avec une infinie délicatesse un moment très particulier de leurs existences réciproques.

La dramaturgie se nourrit notamment de l’ultime film de John Huston, « The Dead  » (« Gens de Dublin » - 1987) que le vieux brigand réalisa au crépuscule de son existence, gravement malade : on ne pouvait trouver référence plus à propos pour cette « chambre d’à côté ».

On peut aussi voir dans cette mort qui gagne Martha, esprit vif et curieux, celle qui emporta bien trop tôt David Bowie, dont l’actrice anglaise Tilda Swinton fut à la fois proche, inspiratrice et avec lequel elle cultive une ressemblance troublante. Les inquiétudes distillées par Almodovar dans le film rejoignent d’ailleurs celles exprimées par Bowie dans son morceau : « I’m afraid of Americans ».

Ce voyage en Amérique marque définitivement un très net retour de forme chez l’espagnol, à la fois audacieux et fidèle à lui-même.

Sébastien Bourdon

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