« L’histoire de Souleymane » de Boris Lojkine

Souleymane (Abou Sangare) vient de Guinée Conakry et se démène dans un Paris humide et froid pour y trouver une place autre que celle, éminemment précaire, de sans-papier qui est la sienne, espérant un beau jour trouver la « protection de la France ».

Car il y a des gens qui ne sont rien, n’est-ce pas, des ombres portées par des vélos, courant la ville pour nourrir les plus ou moins nantis. On n’est plus tellement chasseur cueilleur dans la ville lumière : on laisse à d’autres le soin de pourvoir à nos besoins essentiels, sans trop se soucier de celui qui survit derrière le guidon et qui sonne à l’interphone.

Il est réjouissant de voir le cinéma contemporain rester encore et toujours pertinent, sans ostentation, trouvant ici sans relâche le bon angle. Cette histoire d’homme toujours sur la brèche, devant se cacher et survivre, au bord du précipice, aurait pu si facilement sombrer dans la démagogie ou le pathos.

Car ce travers ne survient pas. D’abord parce qu’il y a une histoire qui se tient, peu importe le message éventuel que l’on voudrait nous porter. On est attaché aux basques du personnage, on veut savoir comment tout cela va finir.

Ensuite, on ne nous assène pas de leçons, mais on nous donne à voir et à penser, et au plus près. Les portraits, même esquissés, ne sont jamais dessinés à gros traits, mais montrent une humanité complexe, où rares sont les vrais héros comme les franches ordures. C’est un monde brutal - parfaitement restitué - mais en son sein s’esquissent des gestes et des attentions.

Personne ne sera donc sauvé, mais il y aura parfois un peu de lumière dans la ville, la nuit.

Fait de deux parties bien distinctes qui s’appuient l’une sur l’autre pour vous faire chavirer à l’issue, le film se fait éloge de la sincérité comme dernier élan vital. Cette conclusion vous laisse pantelant quand la lumière se rallume dans la salle.

Sébastien Bourdon