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« L’effrontée » de Claude Miller (1985)

mercredi 30 décembre 2020, par Sébastien Bourdon

Charlotte for ever

La dernière - et première - fois, c’était il y a 35 ans, à la sortie du film. Autant dire qu’à cet âge, 14 ans, on attendait plutôt un nouveau Star Wars, un Spielberg ou « Le Diamant du Nil » (la suite de « A la Poursuite du Diamant Vert » !). Et finalement, c’est peut-être ce film qui est le plus resté dans les mémoires tant il a pris de la place, jusque dans le langage courant (« ici c’est petit, c’est moche et c’est tout ! »).

Parce que finalement, à ces âges, un film qui vous aide à mieux appréhender le monde, les autres et soi-même, c’est toujours bon à prendre.

Que reste t’il de nos amours ? Pour le savoir, il fallait revoir le film.

Charlotte a 13 ans, elle vit une existence modeste dans une petite bourgade de province (père petit entrepreneur manuel et mère décédée). Pour faire face aux changements physiologiques qui l’assaillent et aux troubles qui en découlent, elle se réfugie dans une forme de rêverie butée. Cet espoir d’une vie plus en adéquation avec ses aspirations se synthétise soudainement lorsqu’elle rencontre une pianiste prodige de son âge, venue donner un récital en ville.

Avec cette poupée de porcelaine aux doigts d’or semble soudainement s’ouvrir un monde à la hauteur de ses fantasmes, fait de grâce, de luxe et de beauté.

L’adolescence est cruelle, la vie ne l’est pas moins, et notre jeune héroïne tirera de cette parenthèse estivale une leçon dont on ne doute pas qu’elle sera profitable.

Balayons la question des éventuels ravages du temps : le film n’a pas pris une ride. Si l’on excepte l’absence de téléphone portable, l’atmosphère d’un été au cœur de la France est impeccablement restituée, et pourrait tout aussi bien se dérouler de nos jours (certes, il faudrait aussi enlever les masques).

Ce qui était et qui reste, c’est la grâce et la délicatesse. Claude Miller, s’il n’est pas un cinéaste majeur, filme avec retenue et distance les émotions qui jaillissent à l’écran. L’inquiétude parfois agressive de son héroïne, mais aussi la mélancolie des adultes, jamais caricaturale. Tout le monde fait ce qu’il peut, avec maladresse parfois, mais avec sincérité toujours.

Évidemment, tout cela ne marche qu’avec une distribution à la hauteur. Charlotte Gainsbourg fait ici sa première apparition à l’écran avec une force et une intensité rares (d’ailleurs, dès la première scène, elle se jette à l’eau). Les autres comédiens sont au diapason et notamment les deux vétérans de la Nouvelle Vague que sont Bernadette Lafont et Jean-Claude Brialy.

De la grande musique et une ritournelle italienne pour illustrer le tout, et le film se tient de la première à la dernière minute. Cela vient dans doute de l’universalité de son sujet, mais aussi à cette indiscutable et inexplicable magie du cinéma qui fait parfois d’une œuvre délicate et sans prétention un petit chef d’œuvre intemporel.

Sébastien Bourdon

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