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Kurt Cobain est mort, mais...

samedi 15 mai 2004, par Sébastien Bourdon

Une anecdote extraite de Rock n’ Folk : Patti Smith est dans son jardin, un jour d’avril 1994, en train de tailler ses rosiers. Fred « Sonic » Smith - son mari et guitariste des mythiques MC 5 - est dans la cuisine et écoute la radio. Il apprend la mort de Kurt Cobain. Il appelle sa femme, la fait asseoir et lui dit « Tricia, le petit est mort ».

Du vécu : cette même journée d’avril, à l’Elysée-Montmartre, les Soundgarden apprennent backstage la disparition tragique de leur ami. Ils remontent sur scène et jouent « Just Like Suicide ». Le public ignore encore la mort de la figure musicale du moment (je vous parle d’un temps sans téléphone portable, ni SMS). Sur ce dernier morceau, le groupe quitte la scène et clôt un étrange concert. Je rentre chez moi, un peu déçu (« Superunknown » c’était quand même l’album du moment). Mon père me dit alors qu’il lui semble qu’un chanteur que j’aime bien est mort. Je devine trop facilement de qui il s’agit et passe ma nuit devant la télévision à la recherche d’images, comme pour faire reculer le froid du néant.

« I swear that I don’t have a gun ». J’ai accroché une photo de lui dans mes toilettes sur laquelle il braque un flingue en direction du visiteur.

Août 95 : sortie du 1er album des Foo Fighters et la vie continue.

Aujourd’hui, maintenant : encore, on croise des jeunes qui étaient à peine nés quand il est mort et qui portent des tee-shirts Nirvana.

Mais je persiste à croire que c’est à cause des chansons, pas à cause d’une rébellion adolescente un peu fatigante et tellement galvaudée. Caetano Veloso reprend « Come as you are » sur son dernier album dans une version dépouillée. Et le morceau est là, il continue à jaillir des enceintes. Parce que c’est une putain de bonne chanson, texte, musique, tout.

On célèbre les 10 ans de la disparition de Kurt. On a édité son journal intime, sorti une « compil’ » (vraiment n’importe quoi), réalisé des films et écrit des livres défendant toutes sortes de théories fumeuses sur sa disparition.

Mais il est mort et n’écrira plus rien. C’était sa vie, son œuvre. Ici, tout est terminé.

De son côté, sur tout ça comme sur le reste, Dave Grohl ne dit rien ou pas grand-chose et aligne d’honnêtes disques de pop rock énervée au sein des Foo Fighters (avec parfois quelques élans de génie dedans). Il donne d’excellents concerts. Mais il a, semble t’il, quitté ses fûts et joue de la guitare en chantant (et « rock against Bush » sur le site du groupe).

Et puis le buzz monte en 2001, il assurerait la batterie en studio avec les Queens Of The Stone Age. Et il se produit avec la sortie du disque en 2002 quelque chose de formidable : on réentend ce groove et cette frappe qui a sorti Nirvana des caves de Seattle. Et le disque crée l’évènement : morceaux portés par des guitares incroyables et hallucinées, percussions infernales,... le rouge du disque se répand sur nos platines.

Seul regret : à part quelques dates aux Etats-Unis et en Angleterre, Grohl ne tournera pas avec le groupe.

Puis le voilà qui assure quelques parties de batterie sur l’album de Cat Power. Des chansons douces mais comme emportées dans cette rythmique implacable, même si jouée délicatement.

Il joue également sur l’album de Tenacious D, pour la rigolade certainement, mais pas seulement, car aussi drôle que soit le duo, la musique est bonne.

Le buzz de nouveau : Probot.

Dave Grohl n’avait en fait jamais quitté sa batterie et s’offrait ce luxe de jouer avec dans son propre studio, puis de bidouiller ses guitares et petit à petit, construire un hommage aux sombres héros du métal. A force de créer et jouer « à la manière de », Grohl réalise qu’il a là de quoi faire le disque hommage aux grands de cette musique qu’il aime tant.

Il invite alors ces gens qui n’ont jamais vécu pour autre chose que pour leur musique, qui ne connaissent de la vie de musicien que les camionnettes pourries chargées jusqu’à la gueule de guitares et d’amplis et les chambres d’hôtel minables, ces types qui sont l’incarnation vivante des textes de « Seek and Destroy » et « Whiplash » de Metallica. Et c’est visiblement ravis qu’ils viennent chanter sur l’album.

Et le disque sort, sur un label inconnu « Southern Lord Records » (on ne peut douter de leur crédibilité, il suffit de visiter le site). C’est incroyable d’entendre Wino, Lee Dorrian, Eric Wagner, Max Cavalera, Lemmy ... mais c’est surtout fou ce que les morceaux sont bons et enthousiasmants. De l’amour de la musique sous un versant métallique. Le disque englobe l’intégralité du mouvement, dans son indépendance et son énergie, dans ses aspects primaires mais avec sa conscience et son goût du second degré.

Sublime.

Différemment, à sa manière, si Kurt Cobain est mort, Dave Grohl est toujours vivant.

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