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« Killers of the Flower Moon » de Martin Scorsese

vendredi 3 novembre 2023, par Sébastien Bourdon

Brother Wolf, Sister Moon

Osons s’interroger ab initio : et si Scorsese était devenu un cinéaste un poil surcôté ? Il est quand même souvent revendiqué comme culte ou incontournable par des cinéphiles plus ou moins occasionnels, mais comme un arbre centenaire qui cacherait en réalité de bien belles autres essences.

En sortant de cette projection éternelle, on a quand même en effet du mal à ne pas se demander si le vieux new-yorkais, devenu incapable de faire de grands films, n’aurait pas opté pour en faire des longs (3 heures 26).

Ce n’est pas que l’on s’ennuie durant cette traversée du pays Osage (Oklahoma), mais avait-on besoin d’autant de temps pour saisir les tenants et aboutissants de cette histoire ?

À propos du scénario, rappelons qu’il est tiré d’un bouquin de David Grann - écrivain déjà adapté au cinéma par James Gray (« The Lost City of Z ») - et qu’est ici racontée une ténébreuse affaire de meurtres en série ayant frappé la communauté indienne Osage au tournant des années 20.

Évidemment, ce massacre tardif de natifs américains sonne comme une éternelle répétition à plus petite échelle des crimes originels de l’Amérique naissante. Les appétits ont changé mais sont toujours les mêmes, cette fois c’est le pétrole et plus seulement la terre qui justifie le meurtre.

Des blancs se jouant des indiens (ou des noirs) pour leur propre insatiable recherche de profits, c’est un peu déjà vu, mais c’est aussi épouvantablement fondé.

Dans l’histoire de la violence endémique américaine, éternelle obsession de Scorsese, le cinéaste creuse donc ici un sillon supplémentaire et qu’il prend soin de longuement labourer.

Las, trop de choses sont laborieuses, justement, pour pleinement convaincre. Le plus pénible étant définitivement Di Caprio, cabot le plus souvent insupportable, surjouant tout pour décrocher l’Oscar. Ce garçon n’a rien compris à la méthode Stanislavski : empêtré dans son ego surdéveloppé, il enchaîne grimaces boudeuses et emballements grotesques (il est certes vrai que son personnage est aussi abruti que criminel).

Ce qui lie les personnages ne tient que rarement la route, à commencer par cette indienne subtile (Lily Gladstone) dont on peine à comprendre ce qui pourrait justifier son attachement à un tel blaireau.

Enfin, De Niro est égal à lui-même dans son rôle d’ordure patriarcale, même s’il a l’élégance d’opter pour une grande sobriété de jeu (voilà un garçon qui a mieux saisi les préceptes de l’Actor’s Studio).

Au final, on se demande bien ce qui a justifié que l’on reste assis si longtemps, si ce n’est pour prendre un peu de distance avec la fureur du monde actuel, en se plongeant dans celle du passé.

Sébastien Bourdon