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Kill Your Idols

mardi 17 septembre 2024, par Sébastien Bourdon

Si un jour j’entre au gouvernement (à peu près n’importe qui peut maintenant accéder à la fonction de ministre, c’est donc envisageable), ma première mesure sera de faire interdire les biopics.

En effet, existe-t-il genre cinématographique plus insupportable, avec ses schémas narratifs convenus et invariablement répétés, faisant de ces films des pensums de développement personnel et, à de rarissimes exceptions près (chacun trouvera les siennes) de vraies œuvres de cinéma.

Genre didactique et simpliste par essence, tout y est appuyé, et les vedettes du grand écran se jettent à tombeau ouvert sur cette autoroute à prix d’interprétation, l’essentiel pour cela étant d’en faire des tonnes pour fasciner le béotien.

Pour accompagner cet étalage de sentiments frelatés, on recrute, c’est selon, des compositeurs pompiers pour accompagner les ralentis dégoulinants, ou pire, des acteurs qui s’imaginent pour l’occasion chanteurs et qui massacrent l’artiste qu’ils sont supposés servir.

Mais surtout, c’est l’occasion de réaliser un panégyrique souvent assez éloigné de la réalité historique, parce que nous autres humains, on aime les jolies histoires et croire en des hommes ou des femmes providentiels.

On pourrait dire que j’exagère, mais l’actualité récente nous a fourni une exemplaire illustration de mon propos : en 2023, sortait en salles « L’abbé Pierre – Une vie de combats » (Frédéric Tellier). On s’est épargné sa projection, en revanche, il est assez savoureux après coup de se fader les interviews des vedettes (Benjamin Lavernhe), la promotion dans les émissions qui vont bien, les commentaires énamourés pour le bon abbé sous les vidéos YouTube etc.

Ce matin du 17 septembre 2024, sur France Culture, on nous rappelait ses funérailles de héros national en 2007, avec la presse et les politiques unanimes sur l’exemplarité du bonhomme. Depuis la sortie de l’affaire, ce qu’on découvre, c’est qu’on savait, et depuis longtemps (qui est « on » est un autre débat).

Mais avec ledit récent biopic, qui ne tire probablement pas le portrait d’un pervers pépère mais poursuit l’impression de la légende (pour paraphraser John Ford), est-ce qu’on ne se moquerait pas un peu du monde ?

Il serait intéressant d’entendre l’équipe du film se prononcer a posteriori sur le contenu de son hagiographie et sur les recherches historiques sûrement exhaustives faites au préalable...

Rappelons enfin qu’il y eut en 1989 un autre film sur le plus trop saint homme : « Hiver 54, l’abbé Pierre » de Denis Amar, avec Lambert Wilson. Je l’avais vu en avant-première, en présence du personnage et des interprètes.

Cela m’avait donné l’occasion de rencontrer Claudia Cardinale, ce qui m’avait semblé à l’époque – comme aujourd’hui - nettement plus fondamental que de serrer la louche à un homme d’église. Au moins, avec les comédiens, pas de tromperie sur la marchandise, ils sont effectivement là pour nous raconter des histoires.

Sébastien Bourdon

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