« Kévin » de Arnaud Hoedt & Jérôme Piron - compagnie Chantal & Bernadette - Espace 1789

Dans ce nouveau spectacle, après avoir réglé dans le précédent le sort de l’orthographe française, le duo belge prend à bras-le-corps la fabrique des inégalités qu’est l’école française (et belge).

Leur descente en flèches précises et drolatiques de la construction de notre langue s’appelait « La Convivialité » (lacune de chronique de ce merveilleux spectacle, violation flagrante de ma déontologie). Cette fois, pour s’attaquer à l’iniquité de l’école de la République, de l’école dite pour tous, le spectacle porte un prénom, celui de « Kevin ».

Anciens enseignants eux-mêmes, ayant donc une connaissance d’abord empirique du système, les duettistes ont ensuite creusé, tant dans l’histoire de l’école que dans la sociologie, pour comprendre ce qui relève du constat chiffré indéniable : pourquoi ça ne marche pas ?

C’en est même comique que de contempler la faillite d’un système qui a trouvé malin de donner a son noble projet au début des années 80 le beau nom de : « égalité des chances ».

Car de cela il n’y a pas, mais alors pas du tout. Aux âmes bien nées, la réussite est - et reste - garantie à de bien rares exceptions. Et l’on ne peut que constater, chiffres et statistiques à l’appui, que pour les obscurs et les sans grades, ce n’est pas du tout la même limonade. Si vous en doutez, attendez de prendre connaissance des statistiques comparées de réussite au bac des Joséphine et des Rayan.

Car dans un système scolaire devenu un marché, les acteurs les plus puissants se sont parfaitement adaptés pour que surtout rien ne change.

De ce constat plutôt dramatique, nos deux enseignants font un spectacle drôle et vivant, participatif sans excès, et modérément idéologique. On ne pourrait d’ailleurs leur faire procès de déformation du réel tant ils se basent à la fois sur les statistiques et la sociologie.

Par quel miracle on sort de là enchanté et même optimiste, on ne sait, mais ils sont forts ces belges.

Sébastien Bourdon