Accueil > Francais > Cinéma > « Juré n°2 » de Clint Eastwood
« Juré n°2 » de Clint Eastwood
samedi 14 décembre 2024, par
Portrait of an American Family
D’abord, tout est lisse et propret : un jeune couple, Justin et Allison (Nicholas Hoult et Zoey Deutch), impeccable sous tous rapports, visite la chambre de leur enfant à naître, à l’aube de la grande aventure conquérante de la famille américaine.
Puis, à l’appel du devoir civique - l’homme est désigné juré dans un procès - tout se fragmente et surgissent les parts d’ombre. Justin se découvre coupable à son insu et profitant de sa place dans le processus judiciaire, il cherche alors à tirer d’affaire le prévenu, mais sans se révéler.
Clint Eastwood ne semble plus croire en grand chose d’optimiste, et à son âge canonique (94 ans), on ne saurait le blâmer. Il trouve toutefois encore des choses à filmer et, par ce biais, à dire sur la société de son pays.
Sous son apparente modestie de forme, certes parfois lourdement symbolique à l’image, se cache - et c’est une habitude chez le réalisateur - une belle complexité philosophique et politique.
Ainsi, si le film se raccroche à une lignée cinématographique de facture classique, le « héros » se caractérise ici par la duplicité de ses actions : s’il œuvre en apparence pour le bien, c’est pour parvenir à dissimuler le mal qu’il a commis (involontairement).
Au sein du tribunal, une micro société représentative va avoir à faire avec cette épreuve morale, sans en connaître tous les tenants et aboutissants. La pièce à suspens va se jouer dans un décor théâtral qui fit souvent les belles heures du cinéma, de Hitchcock à Billy Wilder, en passant évidemment par Sidney Lumet.
Sous l’apparent professionnalisme rigoureux du cadre judiciaire se dissimulent mal manque de moyens, amateurisme et ambitions politiques (Toni Colette), petits grains de sable de nature à dérégler le processus et, par là, à fausser l’exigence démocratique de justice.
Une fois posé tout cela, Clint Eastwood interroge la nature même de la justice, ce qu’elle peut avoir à faire avec la morale, comme la vérité. Évidemment, sous l’habileté narrative se raconte qu’il y a quelque chose de pourri au royaume d’Amérique.
Sébastien Bourdon