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« Je suis Toujours Là » de Walter Salles`
dimanche 19 janvier 2025, par
Chronique d’une Disparition
Difficile de faire plus élégamment solaire que cette première demi-heure de film. Le temps - l’aube naissante des années 70 - et le lieu - Rio au bord de la mer - tout est idéal : les gens sont beaux, la musique comme l’eau, est bonne, comment cela pourrait-il mal finir ?
La famille Paiva habite une grande maison ouverte aux portes de l’océan où le couple uni et ses cinq enfants reçoivent sans cesse, où se croisent des gens ouverts d’esprit, sorte de petit « monde d’hier » idéal.
Il y a bien une angoisse sourde, diffuse, et on le sait bien, « un jour ou l’autre, il faudra qu’il y ait la guerre », d’ailleurs les militaires sont déjà un peu partout depuis 1964 et ce havre de paix est intrinsèquement un lieu de résistance.
Dans un Brésil tombé sous la coupe réglée de la soldatesque, il ne fait en effet pas bon être un ex député de gauche de retour d’exil, comme l’ingénieur Rubens Paiva (Antonio Saboia). Un jour, des hommes patibulaires débarquent au domicile familial et l’embarquent, sans s’embarrasser d’explications.
La mère (Fernanda Torres) et une des filles subissent ensuite le même traitement, mais il sera pour elles de courte durée. Cette brève expérience carcérale marquera la bascule d’une époque, mettant fin irrémédiablement à toute forme de sérénité.
La recherche du disparu deviendra ensuite le ciment de leur existence, particulièrement celle de la mère (même si le film est tiré d’un livre écrit par le fils).
Ce film a rencontré un immense succès au Brésil, sans doute parce qu’il montre avec pudeur et sensibilité la violence insupportable qu’ont pu subir certaines familles. Les heures sombres traversées par une nation sont ici scrutées à hauteur d’humanité, sans pathos vulgairement exacerbé.
Eunice, en figure tragique méthodiquement obstinée, rappelle combien est insupportable à l’être humain la perte, aggravée par l’injustice et l’oubli.
Sébastien Bourdon