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« Je Verrai Toujours vos Visages » de Jeanne Herry

vendredi 14 avril 2023, par Sébastien Bourdon

I’ve Just Seen a Face

On parle ici de justice restaurative, procédé relativement récent en France (2014), au cours duquel des victimes échangent avec des coupables (mais pas forcément les leurs), lors de sessions très encadrées. Il va de soi que l’on espère de ce genre de dispositif de libération par la parole que chacun des participants, en s’exprimant, évacue ses traumas et parviennent à l’empathie, quelque soit son statut.

S’il y avait donc une crainte à ressentir avant d’entrer dans la salle c’est que l’écran soit traversé de bonnes intentions jusqu’à étouffement complet du spectateur. S’agissant de valoriser un dispositif nord-américain de reconstruction des victimes et des coupables, le risque était en effet grand d’un étalage de bons sentiments avec ce qu’il faut de développement personnel sous-jacent.

Ce serait un poil exagéré de dire que l’écueil est complètement évité, mais on aurait mauvaise grâce à ne pas reconnaitre que le film est à la hauteur de ses ambitions et qu’on en sort intelligemment secoué.

La première difficulté lorsque l’on raconte plusieurs trajectoires humaines à l’écran réside dans le montage : il s’agit d’organiser intelligemment le télescopage des personnages, organisateurs et participants à ces réunions, en montrant ce qu’il faut savoir d’eux au préalable et ce qui les amène dans ces cercles de parole.

Comme chez Robert Altmann, on parlerait de film choral. Avec une efficacité sans esbroufe, chacun trouve sa juste esquisse, ce qui permet au film de progresser en s’attachant les spectateurs qui se rivent alors à l’écran, impatients de savoir ce qui va sortir, justement, de cette parole.

Ensuite, pour accrocher plus encore, il eut été aisé d’user de flashbacks pour nous plonger dans les événements tragiques ayant amené là nos protagonistes polytraumatisés. Hormis quelques subreptices visions, rien n’est dévoilé artificiellement : à l’image, ici, seule la parole compte.

Pour incarner cela, il fallait des acteurs et c’est un sans faute : Gilles Lellouche décidément surprenant, un Fred Testot inattendu, la révélation Dali Benssalah, le retour de Miou-Miou etc. et surtout la toujours exceptionnelle Adèle Exarchopoulos.

C’est même cette dernière qui épargne au film le sursaut de mièvrerie finale, à base de réconciliation autour de cakes aux olives fait maison. Avec l’intensité qui toujours la caractérise, elle rappelle que la parole ce n’est pas forcément la réconciliation avec l’autre, mais aussi la possibilité de faire la paix avec soi-même.

Sébastien Bourdon

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