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« Vers un Avenir Radieux » de Nanni Moretti

dimanche 7 mai 2023, par Sébastien Bourdon

Mi Ricordo

Giovanni (Nanni Moretti) déprime, il peine à achever son film, son épouse (Margherita Buy) veut le quitter, sa fille (Valentina Romani) l’abandonne sur le canapé en pleine projection d’un classique etc. Ces tracas sont d’autant plus douloureux qu’ils s’inscrivent dans la déliquescence politique de l’époque, particulièrement en Italie, et comme un signe définitif de fin d’un monde, le cinéma lui-même ne se porte pas très bien.

Comme souvent, Moretti brasse large et part d’une incapacité à finaliser un projet - ici un film sur l’Italie communiste au moment de l’insurrection de Budapest - pour évoquer tous les sujets qui le chagrinent et le préoccupent, certains depuis toujours, et d’autres avec une acuité plus contemporaine.

La presse italienne a largement glosé sur l’aspect politique du film, Moretti faisant ici le constat d’un pays acculturé et ayant perdu tout sens de l’utopie, mais c’est aussi un film sur le cinéma.

Le cinéaste parle beaucoup du processus créatif, de la difficulté qu’il y a à faire exister sur écran des idées complexes, ou à tout le moins de matérialiser à l’image un processus d’écriture. Et c’est très logiquement qu’il interprète ce cinéaste au bord de la crise de nerfs (ou de la dépression).

Moretti - même s’il passe ici du Vespa à la trottinette électrique - renoue avec une vivacité drolatique un peu endormie ces temps derniers. Ce vieux monsieur envahissant et insupportable, aux allures de jeune homme sans cesse exaspéré par la bêtise, mais à l’enthousiasme résistant, nous sert d’exutoire tant ses colères pourraient être les nôtres.

Il faut le voir - d’ailleurs vous irez - faire la leçon à un jeune réalisateur sur son recours systématique à la violence pour masquer la vacuité de son discours, quand bien même ce dernier se justifierait artificiellement par Shakespeare et les auteurs classiques.

Le meilleur du film réside souvent dans ces affrontements comico-tragiques entre le réalisateur et les détenteurs du fonctionnement de ce nouveau monde aussi vide que bruyant. Et évidemment, le summum de l’incompréhension hilarante est atteint lors d’une rencontre avec les interlocuteurs locaux de Netflix auxquels il doit présenter son projet, l’exigence d’un découpage selon un schéma narratif normé se mariant assez mal avec son cinéma.

Évidemment, si l’on rit beaucoup, ce qui ressort de tout cela - et cela s’inscrit dans un mouvement d’ensemble contemporain, décelable dans les dernières sorties des cinéastes installés (Steven Spielberg, James Gray etc.) - c’est une immense mélancolie (le choix des musiques y participe largement : de Battiato à De André, en passant par Joe Dassin).

Mais comment pourrait-il en être autrement dans un monde privé de rêverie artistique digne de ce nom, et sans utopie pour enchanter le futur ?

Sébastien Bourdon

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