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Horizons Perdus

« Wonder Wheel » de Woody Allen

samedi 3 février 2018, par Sébastien Bourdon

« Wonder Wheel » de Woody Allen

La petite entreprise cinématographique de Woody Allen ne connaît pas la crise. Il paraîtrait même qu’il se moquerait éperdument du mal que lui voudraient, en vrac, les ligues de vertu, la presse people et les hystériques de tout bord prêtes à bondir sur la moindre accusation relayée par Twitter.

Un type qui produit invariablement un film par an (on en est au 47ème) à un âge canonique (82 ans) est-il dans l’éternelle reproduction ou bien sait-il tempérer l’œuvre de nuances suffisantes pour attirer encore l’attention ? Force est de constater que, sans franchement se renouveler, Woody parvient encore à nous plaire, dans un subtil mélange de familiarité et de légère audace.

L’intrigue est assez minimaliste et narrée en voix off (la vision Allen du chœur antique) par Justin Timberlake qui, sous des atours de maître nageur, se pose également en écrivain. Une jeune fille (Juno Temple), en proie à de sérieux ennuis, revient chez son père forain (Jim Belushi). Ce dernier est remarié avec une serveuse mélancolique, à la carrière d’actrice ratée (Kate Winslet), elle-même mère d’un petit garçon. Elle entretient une idylle avec le maître nageur évoqué supra, trompant son mortel ennui par un réveil du corps à même de lui apporter une échappatoire et une ivresse.

Et tout cela se déroule dans un endroit fondamentalement et intrinsèquement sinistre : un parc d’attractions jouxtant une plage bondée. L’enfer c’est les autres et ici impossible de leur échapper, jusqu’à la migraine continue.

Évidemment, les couleurs sont passées (inévitable dans le Coney Island de l’après guerre), le vieux jazz qui craque rythme l’ensemble et les acteurs adoptent ce jeu très légèrement décalé qui est la marque des films de Woody. Si la matière est épouvantablement triste, on s’efforce par l’interprétation de la maintenir légèrement à distance (même si mention doit être faite à Kate Winslet, aussi intense en diva ratée et vieillissante que le fut Cate Blanchett dans « Blue Jasmine » 2013).

Woody Allen, s’il enfonce les mêmes portes ouvertes depuis longtemps, n’a cette fois pas du tout envie de rire. Les humains souffrent de passions vaines et destructrices et s’acharnent à leur petite échelle intime à prendre surtout des décisions irrationnelles aux conséquences cruelles.

Dans ce film, personne ou presque ne suscite la sympathie, et surtout on peine à trouver quelqu’un d’attendrissant. L’enfant peut-être, parce qu’à l’instar d’Antoine Doisnel enfant, il sèche l’école pour aller au cinéma. Mais sera t’il sauvé, probablement pas, et conscient de l’imbécilité du monde, il passe son temps à y mettre le feu, en petit pyromane inconscient, ou trop lucide.

Les ressorts de cette tragédie en mode mineur résident dans ce sempiternel mais humain besoin d’amour pour se sauver de l’inévitable ennui. Faute de réel et immédiat péril pour se rappeler de la joie d’être vivant, tous ou presque semblent condamnés à l’égarement amoureux (ici surtout les femmes), ou à l’aveuglement (le brave type qui fait ce qu’il peut quand il ne boit pas, formidablement interprété par Jim Belushi).

On en sort mélancolique et subtilement déprimé, mais avec une sensation bien agréable de cinéma et d’inspiration intacte.

Sébastien

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