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« Au revoir là-haut » de Albert Dupontel

lundi 20 novembre 2017, par Sébastien Bourdon

Hello, Goodbye

Réduire le roman historique de Pierre Lemaître à moins de deux heures de temps cinématographique relevait de l’exercice de haute voltige.

Et puis, gageure majeure, « Au revoir là-haut » est un véritable « page turner », un livre duquel il est impossible de décrocher jusqu’au point final.

Au sortir de la salle, difficile de faire la fine bouche et de ne pas constater qu’Albert Dupontel a fait le job et même au-delà. Le film est beau, palpitant, ne se refuse pas quelques libertés par rapport au livre et fait même œuvre de cinéma.

Dupontel a écrit le scénario avec Lemaître et c’est sans doute ce quatre mains qui a réussi à faire entrer tout l’ouvrage dans la pellicule. Auteur de polars, l’écrivain avait su ajouter à cette maîtrise de l’intrigue une vision pleine d’acuité sur une effrayante réalité historique. Ce qui sous-tend l’œuvre, l’obsession d’un Etat de valoriser les morts guerriers quand il faudrait se préoccuper des survivants meurtris, n’est pas esquivée. C’est ce qui permettait au livre d’aller au-delà de sa trame (escroquerie, complots, secret de famille, affections étouffées) et que l’on retrouve dans la salle obscure.

Il s’agissait donc de partir de cette matière historique, sans trop céder aux facilités esthétiques et narratives, de s’adresser à un spectateur que l’on veut croire intelligent. Dupontel est un homme en colère et si la guerre est dégueulasse, une fois achevée, la situation n’est guère meilleure : les damnés de la terre extraits miraculeusement des tranchées sont ignorés de leurs semblables et même condamnés à être des zombies renvoyés dans des taudis excentrés, enfermés jusqu’en eux-mêmes.

La Nation préfère évoquer les morts, les vrais, les définitifs, ils ont le bon goût de savoir se taire. Et puis, c’est bon pour le commerce.

Cette rage sous-tend le film, qui vibre comme le roman. D’une beauté formelle, il ne refuse pas, et avec grâce, les aspects fantasmagoriques et rêveurs du livre (ainsi d’une déambulation nocturne et pluvieuse du personnage principal affublé d’un masque de cheval).

Il fallait évidemment des gueules et pas seulement cassées pour porter ce film. En sus d’un excellent et presque chaplinien Albert Dupontel, on a le plaisir de retrouver Nahuel Pérez Biscayart (« 120 Battements Par Minute ») dissimulant ses horribles stigmates de la guerre derrière des masques à la fantaisie incroyable. Il habite l’écran de la seule force de son regard bleu, dans un silencieux « merde ! » écrit sur une petite ardoise serrée entre ses mains.

On saluera également la performance de Laurent Laffite qui parvient à incarner un type parfaitement abject quand il semble être une personne si éminemment sympathique.

Enfin, on avouera sa tendresse pour un maire du 8ème arrondissement de Paris (Philippe Uchan), ridicule et servile à souhait face à un Neils Arestrup glaçant et impitoyable, sans doute aussi grotesque que le sont encore aujourd’hui les édiles des beaux quartiers.

Sébastien Bourdon

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