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« Fumer Fait Tousser » de Quentin Dupieux

dimanche 25 décembre 2022, par Sébastien Bourdon

Contes Cruels de la Jeunesse

Dans une interview donnée dans le ciné-club de Konbini, Quentin Dupieux affirme être incapable de réaliser des films d’horreur. Pourtant, on n’ose imaginer le film terrifiant qu’il pourrait mettre en scène tant il sait si bien sous une apparence de comique décalé disséminer une atmosphère profondément inquiétante. On ne voit guère que Fellini pour être capable de donner à l’écran une aussi fidèle impression d’onirisme.

A une nuance près, et elle est d’importance, Dupieux verse le plus souvent, en mettant en scène des situations sans logique narrative apparente, du côté obscur. Nous pressentons que comme dans nos cauchemars, il va se passer un truc déplaisant, mais il est impossible de savoir de quoi il retournera. Seule certitude, coincés dans la salle de cinéma, nous n’aurons pas plus loisir de nous en extraire que de notre sommeil lorsqu’il est soudainement envahi par monstres et chimères.

Ce nouvel opus, le deuxième dans la même année 2022, a une apparence tout d’abord très décousue. Ce film à sketches démarre par la semaine de vacances d’un groupe de super-héros - les « Tabac Force », sorte de San Ku Kai franchouillards (casting bien hype comme il faut, de Vincent Lacoste à Anaïs Demoustier, en passant par Gilles Lellouche et Jean-Pascal Zadi).

Durant cette virée au bord d’un lac, entre incentive program et camp scout, au coin du feu, jaillit l’idée de raconter l’histoire la plus effrayante possible. C’est le Decameron en somme, et chacun son tour s’essaye à l’exercice (un barracuda s’y risque également).

L’exercice n’est pas sans évoquer le psychanalyste Bruno Bettelheim, pour qui les contes de fées jouaient un rôle de médiateurs et de catalyseurs d’émotions et de concepts, à même d’apaiser les enfants de leurs traumas inconscients. Et pour cela, il faut de l’effroi. S’ensuivent donc quelques sketches peu ragoûtants où s’illustre la fine fleur des actrices françaises contemporaines : Adèle Exarchopoulos, Blanche Gardin et Dora Tillier.

Ce qui caractérise ces petites murder stories, c’est le calme étrange, celui auquel on aspire et qui mène au meurtre, comme celui que l’on ressent et exprime alors qu’on se retrouve haché menu. Bruno Bettelheim à nouveau : « Tout conte de fées est un miroir magique qui reflète certains aspects de notre univers intérieur et des démarches qu’exige notre passage de l’immaturité à la maturité. Pour ceux qui se plongent dans ce que le conte de fées a à communiquer, il devient un lac paisible qui semble d’abord refléter notre image ; mais derrière cette image, nous découvrons bientôt le tumulte intérieur de notre esprit, sa profondeur et la manière de nous mettre en paix avec lui et le monde extérieur, ce qui nous récompense de nos efforts ».

Tout n’est pas forcément convaincant dans ces saynètes comico-gores, mais s’en dégage une persistante sensation mélancolique. Et alors qu’une issue fatale frappant la planète menace conséquemment ceux qui l’habitent, monte une profonde tristesse dans le magasin de jouets de Quentin Dupieux. La nuit tombe au bord du lac et le temps a passé. Il va hélas falloir passer à autre chose, mais ça met un temps fou à se mettre en place sous le ciel étoilé.

Sébastien Bourdon

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