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« Dernier Week-end de Janvier » de Bastien Vivès

mercredi 5 octobre 2022, par Sébastien Bourdon

Melancolic Strip

Bastien Vivès sait tout faire, au moins en bande-dessinée : du roman graphique délicat (« Pollina », « Une Sœur »), en passant par la pornographie désopilante (« La Décharge Mentale », ce titre !) et jusqu’au manga (« Last Man » 12 volumes).

Son dernier album atteste si besoin était (spoiler : il ne l’était pas) de son talent sensible. Pour ceux qui l’ignoreraient, à la fin de chaque mois de janvier, se tient à Angoulême un festival de la bande-dessinée. Il faut imaginer un dessinateur, Denis, plus si jeune, en ayant toujours le goût, mais un peu usé de ne vivre que de ses feutres et de ses crayons, et qui sempiternellement, chaque année, va à la rencontre de ses pairs et de ses admirateurs dans la préfecture de la Charente.

Cette fois, il entend n’y rester qu’un week-end raccourci, pour cause de fiançailles de son fils (cérémonie qui lui paraît aberrante). Il fait froid et l’inconfort de ces rencontres précipitées, de ces retrouvailles, de ces mondanités est parfaitement rendu : on a nous aussi envie de rester à l’hôtel.

Mais c’est alors que surgit Vanessa. Elle est venue le rencontrer avec son mari Marc, passionné de BD, quand pour elle, « la bande-dessinée est un art de petits garçons blessés » (a-t-on jamais mieux résumé le 9ème art, je ne le crois pas).

Détail amusant, alors que le dessin de Vivès se cantonne le plus souvent à l’esquisse, le personnage du fan transi est le seul qui soit net, évoquant physiquement Buck Danny ou Largo Winch, héros aussi creux qu’ils sont précisément dessinés.

Parler du génie de Vivès revient à tenter de restituer par l’écrit la magie de son dessin : tâche ardue donc. Économe de traits, il joue de peu pour restituer beaucoup. Un trouble qui nait entre des êtres, alors que ce dessinateur fuit la représentation nette des regards, c’est une sacrée gageure qu’il surmonte invariablement.

Le défi est également dans la narration : comment conclure à l’image une histoire sans lendemain ? Jusqu’à la dernière case, Vivès nous fait ressentir la puissance du sentiment et du désir, le trop tard et le trop tôt, le jamais et le peut-être. La blessure intime est peut-être la seule certitude.

Sébastien Bourdon

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