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David Lynch, extinction des feux
samedi 18 janvier 2025, par
À l’époque, j’avais une fiancée grecque, on allait au théâtre de l’Odéon et au cinéma. Elle était un peu plus âgée que moi (et que la copine du moment de mon père), et plus aguerrie à l’exigence culturelle.
Un soir de 1997, dans le coin de Montparnasse, on est allés tous les deux voir « Lost Highway ». J’avais vu « Twin Peaks » à la télé et n’étais pas non plus complètement vierge du cinéma de David Lynch, mais cela reste probablement comme une des séances les plus intenses et mémorables d’une vie de grenouille de salles obscures.
Se faire cueillir dès le générique par la musique de Bowie (« I’m Deranged », tout un programme), et très vite être dans la salle comme sous hypnose.
Il y avait bien quelques références dans le film qui ne nous échappaient pas - un ou deux morceaux de Rammstein, un cameo d’Henry Rollins - mais on pouvait à la fin de la séance se sentir être devenu un autre, sans avoir compris comment, ni de quoi il retournait.
Peu de films ont su être aussi brillants et passionnants en étant quand même un peu abscons. Quant à la représentation crue du sexe et de l’effroi, on n’a pas souvent fait aussi incarné à l’écran (d’ailleurs comme ça tout de suite, aucune autre référence pertinente ne me vient).
Bref, la vraie vie était là, alors que cela ne ressemblait à rien du quotidien.
La dernière apparition connue de Lynch se fit devant la caméra de Spielberg (« The Fabelmans » - 2023), dans le rôle de… John Ford.
Ce surgissement inattendu (très lynchien en somme) portait peut-être un message : le cinéma comme un grand tout, où les artistes visionnaires s’incarnaient les uns les autres, sous la caméra d’un troisième.
La scène est drôle, mais pouvait faire venir des larmes silencieuses, parce qu’il y avait du testamentaire là-dedans. Et aujourd’hui encore plus.
Sébastien Bourdon