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« Conversation avec Romy Schneider » de Patrick Jeudy
mercredi 10 avril 2024, par
Spleen Germanique
Peut-on imaginer créature plus cinématographique que Romy Schneider, quand bien même cette dernière s’est illustrée souvent dans des rôles de femmes contemporaines, ancrées dans leur époque.
Si l’on excepte la période « Sissi », princesse de pacotille, née d’un cinéma allemand qui voulait oublier le nazisme pour remonter dans un temps idéalisé, Romy Schneider a incarné une sorte d’arc féminin : la femme comme fantasme érotique chimiquement pur (« La Piscine » de Jacques Deray - 1969) et l’étrangère upper middle-class, devenue on ne peut plus française, se retournant vers Piccoli avec le sourire le plus désarmant de l’histoire du cinéma (« Les Choses de la Vie » de Claude Sautet - 1970).
C’est vers la fragilité et la douleur de vivre toujours possible qu’elle s’est focalisée, portée en cela par un cinéaste qui sut parfaitement appréhender l’actrice dans toutes ses dimensions, Claude Sautet.
Romy Schneider, déracinée volontaire, portait le poids d’une histoire familiale largement alourdie par celle de son pays. Si on résume, il existe des images de sa mère, souriante et extatique, aux côtés d’Adolf Hitler au Berghof, sa résidence secondaire.
Difficile de faire héritage plus pesant, et la carrière de l’une s’est donc construite, pour partie tout au moins, en réaction à celle de l’autre, la mère comme la fille étant actrices.
Une nuit de 1976, à Cologne, Romy Schneider a parlé de tout cela avec une rare liberté à la journaliste allemande Alice Schwarzer. Détail qui n’en est pas un, l’intervieweuse maîtrisant également le français, c’est cette langue que va spontanément choisir l’actrice pour s’exprimer avec une honnêteté et une franchise exceptionnelles.
Longtemps conservé sur des cassettes et jamais diffusé, cet échange du bout de la nuit d’une femme et d’un temps fait aujourd’hui l’objet de ce très joli documentaire. Il restitue à l’actrice défunte une intégrité encore un peu noyée aujourd’hui dans le glamour et le romantisme vénéneux de sa trajectoire tragique.
Sans affèterie, la journaliste reprend aujourd’hui la parole pour raconter. Le film est entrecoupé d’images rares, et est porté par la voix de Denis Podalydes. Il en sort une réflexion passionnante sur l’exil et la langue, sur une vie entre fiction et fracas du réel.
Sébastien Bourdon