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« Cold War » de Pawel Pawlikowski

mardi 30 octobre 2018, par Sébastien Bourdon

L’ennui

Le nouveau film du polonais Pawlikowski est encensé partout, jusque sur la page Instagram du batteur de Metallica, Lars Ulrich, danois féru de cinéma indépendant. Ayant au surplus apprécié ses travaux précédents, c’est donc la foi chevillée au corps que nous avons pénétré la salle obscure.

Nous sommes en 1949 dans une Pologne froide comme la glace, arpentée par le principal protagoniste Wiktor (Tomasz Kot) et son assistante, à la recherche des musiques traditionnelles du pays (démarche qui rappelle celle d’Alan Lomax aux Etats-Unis). L’intention finale est de monter une troupe folklorique qui popularisera tout cela pour les foules du bloc soviétique.

Notre héros n’est mû que par la mélomanie, quand les apparatchiks aux manettes ont une intention propagandiste. Les points de vue esthétiques et politiques devenant inconciliables, il quittera donc clandestinement le navire, entamant une carrière de pianiste à Paris. Dans l’intervalle, il aura rencontré la voluptueuse Zula (Joanna Kulig), et en sera tombé éperdument amoureux. Elle ne le suivra toutefois pas dans sa fuite, appréciant son statut de meneuse de revue du bal folklorique créé par son amoureux et mentor.

Le film est donc fait de ponctuelles retrouvailles amoureuses sur une petite vingtaine d’années, essentiellement à Paris, lors de visites censément passionnelles et torrides.

L’ouverture du film était pourtant prometteuse et semblait renouer avec la magie du précédent opus, « Ida » (2013). On retrouve en effet le même noir et blanc somptueux, immortalisant deux musiciens avec ce qu’il faut d’yeux clairs et de dents cassées pour que l’on comprenne que nous sommes au fin fond de la campagne polonaise, ces derniers chantant les misères de l’amour et du désir avec des instruments rudimentaires.

Le meilleur du film réside ensuite dans ses vingt premières minutes car s’organise admirablement à l’image une narration habile dans un contexte compliqué : un amour naissant simultanément à la poursuite d’une quête artistique et musicale dans un contexte de dictature politique.

Las, lorsque Wiktor choisit l’exil dans un Paris bohème de carte postale, plus rien ne fonctionne. S’il était indéniablement intéressant de découvrir la Pologne sous le joug soviétique, les clichés parisiens sont insupportables.

La beauté formelle est persistante, mais tout est désincarné. Rien n’est audible (alors qu’il y a tant de musique) et pour rester dans la métaphore sonore, l’ensemble sonne creux. C’est un film d’amour froid dont on nous vend qu’il serait brûlant : les scènes de couple, des embrassades aux affrontements, sont ridicules et dénuées de sensualité.

La passion ne connaît surtout pas de raison, elle est enfant de bohème, mais lorsqu’elle est filmée aussi platement, on en vient à s’interroger franchement sur ce qui motive les actions souvent incohérentes et absurdes des personnages (l’ivresse n’explique pas tout).

C’est au surplus assez mal écrit, avec des dialogues impossibles. Ainsi et pour exemple, Wiktor rentre au milieu de la nuit, nous découvrons sa compagne parisienne (Jeanne Balibar) qui l’attend assoupie et lui susurre un « tu es allé voir tes putes ? ». Il lui rétorque rêveusement : « non, j’étais avec la femme de ma vie ».

Pawlikowski faisait de bons films en couleur autrefois (« My Summer Of Love » - 2004), peut-être pourrait-il arrêter cet esthétisme - admirable chez « Ida » - qui vire au système et ne pas trop s’asseoir sur ses lauriers, même s’il semble qu’on lui en remette, parfois à juste titre, volontiers.

Sébastien Bourdon

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