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« Bergman Island » de Mia Hansen-Love

jeudi 12 août 2021, par Sébastien Bourdon

Bergman Safari

Un couple tout ce qu’il y a de plus bourgeois avec ce qu’il faut de bohème débarque sur l’île de Farö. Pour les non-initiés, nous sommes en Suède, et c’est là qu’Ingmar Bergman résidait, écrivait et parfois même filmait (« Scènes de la Vie Conjugale  » notamment).

A la recherche de beauté comme d’inspiration, leurs probables essentiels moteurs quotidiens, notre duo profite d’un festival consacré à l’immense cinéaste suédois pour faire une résidence d’écriture sur ses terres.

L’homme, Tony, quinquagénaire à l’assurance certaine (Tim Roth), y présentera de surcroît un de ses films et donnera conférence sur son travail.

Elle, Chris, (Vicky Krieps), bien plus jeune, tente d’écrire son premier scénario et se sent un peu effrayée par l’ombre locale et tutélaire d’Ingmar Bergman, perspective écrasante quand elle doute de sa propre écriture.

La première partie du film est constituée de la découverte de l’île par ce duo anglo-allemand, nous permettant de discerner ce qu’il peut avoir de fusionnel comme de dissemblable.

Finalement, Chris s’évade pendant que son mari brille devant son public, préférant en tout état de cause échapper aux sentiers battus.

Le film bifurque brusquement de sa trajectoire première pour nous plonger dans le récit en cours d’écriture de la jeune scénariste. Elle en raconte en effet l’ébauche à son mari et son récit remplace l’autre sur l’écran.

Le scénario en cours d’écriture de Chris est celui d’une histoire sentimentale et érotique jamais complètement finie et sans cesse recommencée, d’un désir irrépressible qui traverse avec des fulgurances réitérées un amour impossible.

Les lieux restent les mêmes - Farö donc - mais des affres de la création nous passons alors aux tourments amoureux.

L’habileté du film réside d’abord dans ce glissement narratif, mais aussi dans cette manière d’aborder ce questionnement qui est probablement celui de la réalisatrice : de la fiction qui naît de l’imagination du créateur, quelle est la part de réel et comment s’en inspirer ?

On ne se risquerait pas à livrer une interprétation définitive des intentions de la réalisatrice, tant est subtilement ambigu et complexe son propos. Pour écrire de la fiction, il faut sans cesse se nourrir de ce qui vit en et autour de soi, tant et si bien qu’à y regarder de plus près on ne peut parfois plus distinguer le vrai du faux.

Film éminemment personnel sur le plan factuel (Mia Hansen-Love est restée longtemps la compagne d’Olivier Assayas, également cinéaste plus âgé et à l’époque bien plus établi qu’elle), il ne l’est donc pas moins dans la description d’un processus de création.

C’est sa force et peut-être aussi sa limite, puisqu’il évoque les affres d’une petite élite intellectuelle bien abritée de la fureur du monde dans un lieu superbe et emblématique de l’histoire culturelle occidentale. Le film est ainsi invariablement beau, la réalisatrice filmant au plus près des acteurs vibrants de grâce dans une magnifique lumière insulaire.

Toutefois, si l’on peut se sentir peu concerné par ces questionnements d’auteur, l’universalité réside dans la matière de la fiction : le sentiment amoureux.

Sébastien Bourdon

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