Accueil > Francais > Cinéma > « Benedetta » de Paul Verhoeven

« Benedetta » de Paul Verhoeven

dimanche 18 juillet 2021, par Sébastien Bourdon

Le Nom d’Eros

Tourné par le néerlandais Paul Verhoeven avec des acteurs français, le film raconte les péripéties d’une nonne mystique et lesbienne, Benedetta Carlini (Virginie Efira), dans un couvent de Toscane au XVIIème siècle (inspiré des minutes d’un procès en saphisme et d’un ouvrage historique sur cette affaire).

L’entrée de Benedetta au couvent alors qu’elle est encore enfant permet une immédiate lecture de l’organisation de la société de l’époque, patriarcat d’où quelques femmes parviennent à tirer leur épingle du jeu. Ainsi de ce marchandage entre le père de l’enfant qui voudrait que ça ne lui coûte point trop de la laisser au couvent et la Mère Supérieure (magnifique Charlotte Rampling) qui n’entend pas se laisser enfler en accueillant une pensionnaire supplémentaire à bas coût. Point de candeur, tout se monnaye, tout se paye, si impénétrables soient les voies du Seigneur.

Pour nous plonger dans cette ténébreuse affaire, Verhoeven n’opte point pour une austérité monacale, et la maestria habituelle du hollandais violent est indéniable : les mouvements de caméra sont fluides, le décor superbe, la direction d’acteurs comme le casting sont exceptionnels. Les nonnes sont belles et impeccablement maquillées, autant dire que sur cette question Verhoeven penche plus vers l’esthétisme que sur la crédibilité historique.

Il reste en revanche délicat de tirer un propos simple d’une œuvre cinématographique aussi dense : Paul Verhoeven semble considérer que si tout peut être érotique (une statue de la Vierge devient un godemiché), tout est surtout politique.

Ainsi des actions de la protagoniste principale qui semble mue tantôt par la piété, tantôt par le désir charnel. En réalité et avec une habileté certaine, il est difficile de déterminer le vrai du faux, le réel du miracle, de savoir si un quelconque des sentiments de la protagoniste est sincère et si tout ne relève pas de la conquête du pouvoir. Est-elle une femme en proie à des pulsions bien naturelles, une illuminée de Dieu ou simplement une ambitieuse implacable ?

Un monde où les femmes doivent d’abord se taire et obéir à un pouvoir mâle corrompu et brutal (Lambert Wilson, exceptionnel) nécessite un sens aigu de la manœuvre, ce qu’a fort bien saisi la mère supérieure (Charlotte Rampling). Cette dernière gère son couvent en maîtresse femme, mais sous la bure, il y un cœur qui vibre d’émotions aussi rentrées que réelles.

La volcanique Benedetta provoque donc un choc culturel dans la communauté religieuse et villageoise. Ses délires mystiques et érotiques réveillent des appétits politiques qui vont fragiliser le paisible équilibre des lieux.

Verhoeven ne juge pas son héroïne, ne tranche rien (si ce n’est quelques têtes, réelles ou fantasmées) mais dispense ça et là quelques convictions intimes, sans ostentation (on ne le sent en tout état de cause pas franchement prosélyte et clairement amoureux de la liberté).

Tels les habitants de Pescia, nous nous faisons secouer par le réalisateur, ce dernier étant tantôt voyeur (l’œil dans le judas), tantôt démiurge organisant un scénario implacable à la savante ambiguïté.

Monstre de film, où tout est exacerbé, la violence comme le désir, le cynisme comme l’amour, œuvre pleine et puissante, qui ne cesse ensuite de grandir en nous.

Sébastien Bourdon

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.