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« Asteroid City » de Wes Anderson

mardi 11 juillet 2023, par Sébastien Bourdon

Toy Story

La découverte du cinéma de Wes Anderson pouvait donner l’impression d’une réunion ludique de happy few faisant mumuse dans un magasin de jouets plutôt pas mal achalandé.

Beaucoup de « filles et fils de » (Anjelica Huston, Roman Coppola…) et d’acteurs connus, mais avec ce qu’il faut de hype aux basques pour que ça fasse chic et moderne : Owen Wilson, Ben Stiller, Tilda Swinton, Jeff Goldblum ou l’incontournable Bill Murray.

Il y avait donc là quelque chose de potentiellement crispant au premier abord de nature à favoriser l’hermétisme à son œuvre.

Mais finalement, si l’on faisait un peu abstraction des castings de prestige (qui ne sont pas sans charme) et des décors sacrément chiadés dans l’artifice, on décelait une forme inattendue de profondeur et de gravité, et on se laissait emporter.

Le maniérisme qui n’enterre pas les sentiments, qui ne réfrène pas la pudeur mélancolique, Wes Anderson y est ainsi souvent parvenu, et avec une grâce indiscutable (« Grand Budapest Hotel », « Moonrise Kingdom  »), jusque dans l’animation (« Fantastic Mr Fox », « L’île aux Chiens  »).

Mais depuis quelques temps, la machine s’est à la fois emballée et grippée : on ne voit plus que la forme, ou du moins le fond est complètement étouffé par la surenchère visuelle.

Or, un grand cinéaste qui ne se reconnaît plus qu’à ses tics, ça devient problématique (d’ailleurs ça rime). Il nous faut à peine faut dix secondes de projection pour savoir qu’on est chez lui, et il ne reste plus qu’à mécaniquement chercher les références, et s’amuser avec snobisme de ce jeu de pistes pour les cinéphiles intellectuels en tweed.

Le dernier opus en date est une épopée lymphatique dans le désert au pitch improbable - un extraterrestre vient subtiliser une météorite en pleine cérémonie de remise de médailles à de jeunes génies scientifiques en herbe - qui sert en réalité de trame à une réflexion sur le théâtre, l’écriture et comment cela s’est incarné dans un certain cinéma des années 50 - Élia Kazan pour n’en citer qu’un (lui-même venu du théâtre). Ainsi d’Adrien Brody qui porte un débardeur comme Brando dans « Un Tramway Nommé Désir ».

Vertige éminemment pirandellien sur l’absurdité de l’existence et l’incompréhension entre les êtres, le film se joue en couleur pendant qu’il s’écrit en noir et blanc en coulisses, tout en étant divisé en actes et scènes s’emboîtant plus ou moins mal, dans une logique, certes chronologique, mais quand même absconse (au final).

Comme le dit un des personnages, avec une lucidité effrayante, « everything’s connected, but nothing’s working ».

On aurait aimé aimer, mais rien ne nous a retenu, si ce n’est une Scarlett Johansson toute en tristesse retenue et sensualité fatale, qui donne à chacune de ses scènes l’idée d’un film qu’on aurait voulu voir.

Sébastien Bourdon

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