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« As Bestas » de Rodrigo Sorogoyen

dimanche 28 août 2022, par Sébastien Bourdon

Le Souffle de la Discorde

S’il est un cinéaste prometteur en Europe depuis quelques années, c’est bien cet homme là. Ils sont peu nombreux ceux capables de mêler un véritable langage à soi cinématographique, avec un talent narratif indéniable, sans jamais verser dans la complaisance ou la facilité. Rodrigo Sorogoyen cherche, creuse et trouve, même en empruntant des intrigues archi visitées, de l’assassin en série au scandale politique.

A l’exception de « Madre » (2019) où il s’était révélé nettement moins convaincant qu’à son habitude, chaque film emballe plus et encore et ce dernier opus le voit à son meilleur.

Dès l’ouverture du film, tétanisante de beauté et d’intensité (dont la forme reviendra plus tard, différemment, de manière terrassante), Sorogoyen nous plonge au cœur des hommes et des bêtes. Nous découvrons ensuite un couple de français (Marina Foïs et Denis Menochet, impressionnants) venu s’installer dans une vallée paumée de Galice. Sans jamais être lourdement explicatif, le réalisateur nous dessine un ménage de gens curieux et éveillés, qui a entrepris de se lancer dans l’agriculture bio et la restauration de maisons abandonnées.

Comment naissent pourtant la haine et violence dans ce qui deviendra un enfer quand tout était apparemment, du sol au plafond, pavé de bonnes intentions ?

Ces deux personnages parés de tous les attributs de la civilisation éclairée vont amener leur lot de brutalité sans le vouloir ni ni le comprendre.

Ce choc des histoires et des mentalités dans un voisinage imprévisible et immédiat a déjà été exploité au cinéma, l’exemple le plus connu serait probablement « Les Chiens de Paille » de Sam Peckinpah (1971).

Mais dans ce film qui renvoie « Jean de Florette » à une aimable pochade provençale, la violence frontale est rare et déborde rarement la sourde menace, continue et oppressante.

Ce thriller paysan ne se réduit toutefois pas à son suspens, avec personnages manichéens et intrigue cousue de fil blanc. Sorogoyen ne prend aucun personnage de haut, les pèquenauds locaux ont aussi leurs raisons et la maladresse des uns peut être aussi coupable que la haine recuite des autres.

C’est le plus souvent dans des plan-séquences interminables, longues scènes de dialogues insoutenables de tension, que les mots sortent et que chacun exprime un raisonnement recevable, une histoire qui est sienne et qui a façonné son être.

Se refusant ainsi à toute facilité, avec une virtuosité indéniable, Sorogoyen organise magistralement une histoire belle et terrible.

Sébastien Bourdon

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