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« Amour » de Michael Haneke (2012)

samedi 27 avril 2024, par Sébastien Bourdon

Une Mort si Douce

Michael Haneke est un immense cinéaste, quand bien même il mettrait souvent sa maîtrise au service de l’éprouvant et de l’insupportable. Surtout, cette manière crue de montrer l’affreusement humain ne relève pas de la provocation gratuite, ni de la volonté de choquer le bourgeois. Le réalisateur autrichien est probablement un humaniste désespéré par ses semblables et par leur sort. Filmer sans fioritures autres que cinématographiques et photographiques serait sa manière de conjurer son effarement.

La violence dont il est ici question est triviale et universelle : nous allons tous mourir et ce ne sera probablement pas joli à voir. C’est d’autant plus triste en l’espèce que nos protagonistes sont charmants et ont mené une existence marquée par le confort matériel et les plaisirs de l’esprit.

Couple de bourgeois dont l’intérieur parisien semble ainsi avoir été construit autour du piano à queue qui trône dans le salon, le film s’ouvre sur ce qui sera bientôt leur vie d’avant : un concert à Pleyel (Alexandre Tharaud, excusez du peu).

Anne (Emmanuelle Riva) et Georges (Jean-Louis Trintignant) coulent des jours paisibles, encore aimants et complices, nonobstant le temps qui a passé, et sans inquiétude apparente du lendemain, même s’il arrivera forcément bien vite.

Las, soudainement, la maladie frappe durement l’épouse et l’époux courage décide de faire face presque seul, dans une solitude volontaire et obstinée.

Prenant en main à peu près tout, dans une résignation apparente, convaincu et probablement à juste titre, de l’inutilité des autres, il ne la quitte plus.

Ainsi, leur fille passe parfois, dépassée par les événements, mais que le refus d’accepter la situation rend inutile (Isabelle Huppert).

Huis clos étouffant par nature, on ne sortira plus de l’appartement. La mort au travail semble avoir privé de vie les livres et les disques qui ont cimenté leur existence.

Avec une grâce étonnante, il y a quand même quelques pas de côté, des échappées oniriques, un temps suspendu, de la tendresse jamais éteinte.

À la fois quasi documentaire, mais pure œuvre de cinéma portée par des comédiens immenses, le film expose crûment, magistralement, tout ce qui reste, qui s’évanouit et s’apprête à disparaître.

Sébastien Bourdon

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