Accueil > Francais > Cinéma > Alain Delon, mort d’un acteur

Alain Delon, mort d’un acteur

dimanche 18 août 2024, par Sébastien Bourdon

« Dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qui s’est passé », propos que l’on prête au comédien Groucho Marx, et qui est particulièrement adapté s’agissant de maintenant feu Alain Delon. En effet, lorsque l’on a été un si bel animal, incarnant un guépard comme un samouraï, la lente et inexorable destruction de soi a dû sembler particulièrement cruelle.

S’il n’était pas le plus grand des comédiens - un physique pareil ne vous permet pas de tout interpréter - il poussa quand même parfois loin sa palette de jeu, non sans une certaine audace (« Le Professeur » de Zurlini - 1972).

Sa fin de carrière fut hélas en revanche sans éclats, et ressembla à une lente dégringolade, avant l’effacement définitif : arguant de ce que le cinéma, ce n’était plus ce que c’était, Delon décida de ne plus en être.

Cette disparition assumée des écrans s’était accompagnée d’une déchéance personnelle, entre marchandisation de l’idole et engagements idéologiques douteux.

Pourtant, même lorsqu’il jouait au con sur les plateaux, subsistait en lui une forme de colère, un désespoir vivace qui parvenaient à ne pas le rendre complètement antipathique.

Et puis Alain Delon est une porte d’entrée au cinéma comme art majeur : le voir déambuler dans un marché italien ensoleillé sous la caméra de René Clément (« Plein Soleil » - 1960), c’est toucher du doigt combien un film peut transcender le réel, un lieu, une personne, une histoire.

Nombre de réalisateurs ont parfaitement exploité l’animal, mais on nous permettra de garder Jeff Costello pour l’éternité (« Le Samouraï » Jean-Pierre Melville - 1967). Le tueur est froid et silencieux, Delon y est proche de l’épure. Le personnage et l’acteur semblent ne plus faire qu’un : « Il n’y a pas de ciel. Il y a du travail à faire, c’est tout. Et il faut faire celui pour lequel on est doué : tant mieux s’il est facile. Le meilleur travail n’est pas celui qui te coûtera le plus ; c’est celui que tu réussiras le mieux » (Sartre « Les Mains Sales »).

Je suis tombé un jour sur Alain Delon dans une rue de Paris, il sortait d’un immeuble, on a failli se rentrer dedans. J’ai croisé un court instant son regard, ce fut comme si j’avais traversé l’écran.

Sébastien Bourdon

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.