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Un artiste (pas) ordinaire

mardi 15 avril 2008, par Paul Kirkness

Manu Larcenet a terminé le quatrième tome de son Le Combat Ordinaire et en refermant cette bande dessinée, après avoir parcouru des yeux la dernière page on est ému, un peu changé même...

Chacune des quatrièmes de couverture des quatre tomes du Combat Ordinaire commence par "C’est l’histoire de..."

Et bien, Le Combat Ordinaire c’est l’histoire d’un jeune homme et de sa relation avec son père mourant, sa nièce, la femme qu’il aime, la mère qu’il aime tant, les anciens collègues de son père (des ouvriers menacés de licenciement), un homme au secret très lourd à porter, sa fille... C’est l’histoire d’un homme. Et sans qu’il ne soit préciser nulle part que ce soit le cas, il semblerait que ces quatre merveilleuses bandes dessinées soient en grande partie autobiographique : On ne parle pas avec autant de sincérité de quelque chose qu’on n’a pas vécu, d’émotions qu’on n’a pas vécu.

Tout au long des pages qui défilent, on est emporté dans le monde du héros, Marco. Il est travaillé par certaines choses difficiles et vois régulièrement un psychologue (bien que les premières pages du tome 1 nous présente un homme qui justement essaie de se montrer qu’il a fait son temps dans le salon des psys). Il est réceptif aux mille beautés de la nature - lieu qu’il choisit d’ailleurs d’habiter plutôt que la ville enfumée. Il aime l’art et en particulier Picasso ("parce qu’avant lui, ça rigolait pas beaucoup dans la peinture"). Il est photographe et ne se contente pas de travailler à faire des photos pour le journal du coin... Comme son environnement a un réel effet sur lui, il choisit de le lui rendre en ayant des ’causes’. Et à longueur de BD il voit ses causes, ses idées, ses rêves remis en question - souvent par ceux mêmes qu’il aurait tant aimé aider.

Larcenet m’a longtemps fait rire dans Fluide Glacial. Fut un temps où il n’y avait vraiment guère que lui qui m’intéressait parmi les autres dessinateurs... J’adorais ’Bill Baroud’ et surtout, j’aimais les ’Superhéros Injustement Oubliés’... Mais Dans Le Combat Ordinaire, Larcenet n’est pas là pour amuser la galerie - bien qu’il y ait des moments vraiment très drôles. C’est une œuvre mûrement réfléchie qui vient de la tête de quelqu’un de lucide, de sensible et d’intelligent.

Jamais je n’oublierai la longue conversation entre Pablo, l’ouvrier qui s’apprête à prendre sa retraite, et Marco. Sarkozy vient d’être élu et le ’vieil’ homme prend la parole... pour presque tout résumer. Un dialogue un peu alcoolisé et magnifique venant de Pablo et dont la phrase finale, au petit matin, est la suivante : "A partir de cette seconde, ce monde est à toi... Je te le remets officiellement... Maintenant, à toi de te démerder avec...". Et sur ce, le bon Pablo quitte son ancien lieu de travail, un peu ivre, un peu triste car licencié... mais plus lucide que jamais et retraité.

Au final, dans Le Combat Ordinaire, Larcenet fait preuve d’un optimisme d’une beauté rare. Le jeu des générations, le poids des secrets - tout est soulevé et retourné pour une fin belle, positive et pleine d’espoir.

Je conseille vivement la lecture de cette BD à tout le monde.

Polo

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